de l’intérieur, M. Villaverde, qui lui-même se sentait appuyé et encouragé par une fraction notable du parti conservateur ; d’un autre côté, au sein même du cabinet, le ministre d’outre-mer, M. Romero-Robledo, se faisait le protecteur à outrance de l’ancien alcade, M. Bosch, qu’il ne cessait de défendre avec la plus énergique obstination depuis sa démission forcée. Le président du conseil se trouvait pris dans ce conflit d’influences entre le ministre de l’intérieur et le ministre d’outre-mer. À qui resterait le dernier mot ? Après bien des hésitations, M. Canovas finissait par se rallier à l’opinion de son terrible collègue, M. Romero-Robledo. Le ministre de l’intérieur se retirait immédiatement, suivi dans sa retraite par son sous-secrétaire d’État, M. Dato, par l’alcade de Madrid, le marquis de Cubas, et quelques heures après, le ministre démissionnaire, M. Villaverde, était remplacé par un des vice-présidens du congrès, M. Danvilla ; sous-secrétaire d’État et alcade avaient des successeurs. La crise semblait finie !
Ce n’était au contraire que le commencement, une péripétie de ce curieux imbroglio qui ne pouvait désormais se dénouer que dans le parlement. Dès la réunion des chambres, en effet, il y a quelques jours à peine, le secret de la situation se dévoilait par une scission avouée, éclatante, dans la majorité ministérielle. Un des chefs conservateurs les plus éminens, M. Silvela, qui a été le premier ministre de l’intérieur du cabinet Canovas, et qui se retirait il y a un an, au moment où M. Romero-Robledo rentrait au pouvoir, M. Silvela se faisait le défenseur de M. Villaverde et de sa politique. Il allait plus loin en déclarant qu’il voterait pour le gouvernement, non par sympathie, mais par esprit de discipline, pour ne pas briser l’unité du parti conservateur. Le président du conseil s’est levé à son tour pour déclarer, avec une fierté fort naturelle, qu’il n’accepterait pas un appui qui ressemblerait à un sacrifice, — et le résultat a été un vote assez singulier. Libéraux et démocrates du congrès se sont abstenus sous prétexte qu’ils n’avaient rien à faire dans cette querelle entre conservateurs. Parmi les conservateurs eux-mêmes, les dissidens se sont abstenus aussi, et le ministère est resté avec une centaine de voix fidèles sur 430 députés dont se compose le congrès. M. Canovas del Castillo est allé immédiatement porter sa démission à la reine-régente, — et c’est ainsi que finit ce ministère conservateur qui naguère encore, il y a quelques mois, avait une assez imposante apparence, qui disparaît aujourd’hui victime d’une série d’incidens, surtout de cette question de moralité destinée, à ce qu’il paraît, à faire le tour du monde. Il n’y a pas non plus à s’y tromper : il est clair que M. Romero-Robledo, qui, dans ses évolutions déjà nombreuses, a été le dissolvant de tous les partis, de tous les cabinets où il a passé, vient de continuer son rôle. Il a contribué plus que tout autre à la chute du dernier