aurait duré des siècles, si un jour M. Rambonnet, conseiller secret de S. M. le roi de Prusse, ne s’était présenté chez M. de Liège et ne l’avait prié de lui donner une réponse satisfaisante dans les quarante-huit heures. « Quarante-huit heures ! s’écria M. de Liège. Mais je n’aurai pas le temps de consulter mes conseillers. Je suis prince de l’empire. Jamais on n’a vu traiter un prince de l’empire de cette façon ! » Quarante-huit heures après, douze compagnies de grenadiers et un escadron de dragons pénétraient dans l’État de Liège, y levaient des contributions sur les biens de Monseigneur et s’installaient comme s’ils étaient chez eux. Cette façon de se faire justice à soi-même scandalisa l’empire, l’empereur et l’Europe, mais il plaisait à Frédéric de montrer qu’il ne permettait pas qu’on méprisât sa puissance, et aussi d’étonner le monde et de lire « son nom dans les gazettes. » C’était le commencement de la gloire.
Pour s’élever à la vraie gloire, il comptait sur une des deux occasions depuis longtemps attendues, la mort de l’électeur palatin ou la mort de l’empereur. L’une lui serait aussi bonne que l’autre, et il était résolu à saisir la première qui se présenterait. Depuis la seconde semaine après son avènement, il négociait avec l’Europe entière. Presque en même temps partirent de Berlin, munis d’instructions secrètes, trois ambassadeurs, tous les trois colonels, le colonel de Münchow pour Vienne, le colonel de Camas pour Paris, le colonel comte de Truchsess pour Hanovre, où était le roi d’Angleterre. C’est sans doute pour l’acquit de sa conscience que Frédéric faisait valoir à Vienne le mérite et la nécessité d’une alliance comme la sienne. Il n’espérait pas que l’orgueilleuse maison voulût s’abaisser à reconnaître qu’elle avait besoin de lui ; l’eût-elle fait, il aurait mis à ses services un prix inacceptable, car depuis longtemps il considérait l’Autriche comme sa carrière. Au contraire, assuré qu’il était d’une guerre prochaine entre la France et l’Angleterre, il était certain de s’entendre avec l’une des deux puissances. Il avait plus de penchant pour la France, qui pouvait lui être plus utile, mais aucun préjugé en sa faveur. Il s’offrit donc aux deux rivales en même temps. « J’envoie Truchsess à Hanovre, dit-il à Camas dans l’instruction secrète. Il doit tenir en échec la politique du Cardinal (Fleury), et vous parlerez de Truchsess comme d’un homme que j’estime beaucoup, et qui a le secret, afin que, pour ne pas me laisser échapper des mains, on me fasse de meilleures offres qu’au roi mon père. » — « Vous ferez beaucoup valoir l’envoi de Camas en France, dit-il à Truchsess dans l’instruction secrète. Vous direz avec un air de jalousie que c’est un de mes intimes, qu’il possède ma confiance et qu’il ne va pas en France pour