de l’école, Descartes les aborde de manière à être compris de tous. S’il écrit en français, c’est, dit-il, qu’il préfère « la langue de son pays » au latin, qui « est celle de ses précepteurs. » De plus, ceux qui ne se servent « que de leur raison naturelle toute pure » jugeront mieux de ses opinions que « ceux qui ne croient qu’aux livres anciens. » On a remarqué depuis longtemps que, par le Discours de la méthode, Descartes avait donné l’exemple d’une composition régulière et sévère, d’un enchaînement indissoluble dans les idées, d’une dialectique serrée et subtile, de la « méthode » enfin substituée à la fantaisie et aux digressions si fréquentes chez ses devanciers. Ajoutez-y l’autorité et la gravité du ton, qui n’exclut pas à l’occasion une certaine ironie, l’exactitude scrupuleuse et la précision, cette clarté que Vauvenargues appelait la bonne foi des philosophes ; une simplicité et une sincérité de style qui ont je ne sais quoi de naïf et de viril tout ensemble ; rien de déclamatoire, des comparaisons qui ont pour but non pas d’orner, mais d’illuminer les raisons, le sensible au service de l’intelligible, en un mot l’éloquence des idées. Ce sont déjà, avec moins d’imagination et de verve, les qualités fondamentales du livre des Provinciales. Les adversaires eux-mêmes de Descartes assuraient « qu’ils n’avaient rien lu dans aucune langue de si fort ni de si pressé. » C’est surtout dans la méditation que Descartes excelle : seul en face de sa pensée, il réfléchit, il analyse, il développe ses longues « chaînes de raisons ; » on assiste à ce travail intérieur : il semble qu’on l’entende penser tout haut. Ce qu’on peut reprocher à son style, c’est d’être encore trop embarrassé des constructions latines. Son français se traduit en latin et son latin en français sans trop y perdre. Souvent traînante et peu souple, la phrase n’est pas exempte de gaucherie ; le mouvement en est trop mesuré et trop calme, le coloris et le relief manquent. C’est une sorte de géométrie à deux dimensions, d’où la troisième est absente : point de ces perspectives qui, derrière les surfaces éclairées, font entrevoir dans l’ombre les profondeurs.
Sous la sincérité même de Descartes on sent une certaine retenue, des précautions sans nombre, la prudence politique jointe à l’amour ardent de la vérité ; mais on peut, en somme, lui appliquer ce qu’il a dit de Balzac, non sans quelque retour sur soi : « S’il n’ignore pas qu’il est quelquefois permis d’appuyer par de bonnes raisons les propositions les plus paradoxales et d’éviter avec adresse les vérités un peu périlleuses, on aperçoit néanmoins dans ses écrits une certaine liberté généreuse, qui fait assez voir qu’il n’y a rien qui lui soit plus insupportable que de mentir. »
L’extrême importance attribuée par Descartes à la méthode et à a recherche de la vérité rationnelle ne pouvait manquer de réagir à