leur prestige aux yeux de ces derniers. Chez la femme américaine moderne, nous retrouvons, orientés dans un autre sens, les traits caractéristiques sur lesquels nous venons d’insister : la volonté, l’énergie d’une race de colons et aussi le goût de l’argent converti en goût de dépenses. La femme aux États-Unis est, avons-nous dit, le ministre des dépenses, si l’homme est le ministre des recettes ; le luxe de l’une atteste le succès de l’autre.
Mais à mesure que les conditions de la vie matérielle se modifient, à mesure que disparaît l’aléa des pays nouveaux dans lesquels tout est et paraît possible, à mesure que les carrières s’encombrent et que les chances de fortune rapide décroissent, d’autres idées se font jour, d’autres facteurs entrent en jeu dont l’action lente et continue est appelée à changer les conceptions premières, à atténuer ce qu’elles pouvaient avoir d’excessif et d’outré. L’originalité de la race y perdra peut-être, mais pour être endiguées et disciplinées, ses forces vives n’en persisteront pas moins. En tout cas, la femme américaine n’y perdra rien, la jeune fille surtout ; loin de décroître, son influence s’accroît ; elle se fait puissamment sentir en Europe, et jusqu’en France où, par le fait des traditions, des coutumes et des mœurs, elle apparaît comme un élément révolutionnaire au premier chef, modifiant rapidement nos idées sur l’éducation de nos jeunes filles ; dont son indépendance et sa liberté d’allures excitent à la fois l’envie et l’étonnement.
Il y a quelques années, plusieurs femmes de haut rang se trouvaient réunies dans l’un des salons d’attente de l’impératrice d’Allemagne. De passage à Berlin, elles avaient sollicité la faveur d’une audience par leurs ambassadeurs respectifs, et une lettre du grand chambellan leur avait indiqué le jour et l’heure auxquels l’impératrice les recevrait. Elles ne se connaissaient pas ; Anglaises, Russes, Autrichiennes, Italiennes, le hasard des voyages les réunissait pour la première fois. L’heure de la réception était passée, et la souveraine ne paraissait pas. S’adressant à sa voisine, l’une d’elles exprimait son étonnement de ce retard, s’excusant de son impatience par le fait, qu’en sa qualité d’Américaine elle était encore peu au courant de l’étiquette des cours. Son interlocutrice lui répondit, en souriant, qu’elle aussi était Américaine d’origine, mariée depuis peu à un grand seigneur autrichien. Les autres se rapprochèrent, prirent part à la conversation et furent stupéfaites de voir que toutes les six étaient des États de l’ouest et de la nouvelle Angleterre.
Ce fait singulier et significatif confirme ce que nous avons dit de l’Angleterre, où nombre de titres historiques sont aujourd’hui