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ministères ? C’est là justement la question ; c’est le problème constitutionnel de l’Espagne, depuis si longtemps ballottée entre toutes les influences, entre tous les partis, quand ce n’est pas entre toutes les révolutions.

assurément, M. Sagasta, qui paraît avoir été un peu surpris par les événemens et a été peut-être ramené au pouvoir plus tôt qu’il ne l’aurait voulu, M. Sagasta a fait ce qu’il a pu pour reconstituer un ministère libéral suffisant. Il n’a même pas trop distingué entre ceux qui sont restés ses amis et ceux qui s’étaient séparés de lui. Il a appelé au ministère des hommes désignés par leur position dans le parti libéral, par leur notoriété ou par leur passé : le marquis de La Vega y Armijo aux affaires étrangères, le général Lopez Dominguez à la guerre, M. Gamazo, qui est un économiste sévère, aux finances, M. Moret, connu pour son éloquence, M. Venancio Gonzalez, M. Montero Rios. Il ne s’est pas borné à choisir ses collaborateurs dans toutes les nuances libérales ; il est allé plus loin, il n’a point hésité à rechercher sinon la coopération ou l’appui direct, du moins la neutralité de l’éloquent et loyal Castelar, qui a toujours refusé de se confondre avec les républicains fédéralistes ou révolutionnaires. Entre tous ces hommes, la difficulté n’est pas pour aujourd’hui ni pour demain. Ils étaient d’accord sur les conditions générales de la politique, et leur premier acte était tout indiqué : ils devaient inévitablement demander à la reine régente une dissolution des Cortès, des élections nouvelles. C’est ce qui a été fait ! Les élections se feront au mois de mars. D’ici là on a le temps de s’y préparer. C’est l’affaire du ministre de l’intérieur, et le cabinet Sagasta, comme tous les cabinets qui font des élections au-delà des Pyrénées, aura sa majorité, c’est on ne peut plus vraisemblable. Jusque-là rien de mieux ! Il n’y a pas cependant à se faire illusion. Ce n’est pas précisément dans le combat, dans les élections qu’on se divise en Espagne ; c’est au lendemain de la victoire, après les élections, dans le parlement où ne tardent pas à se réveiller toutes les rivalités, toutes les incompatibilités d’humeur et de caractère. Voilà toute la question ! Le ministère de M. Sagasta échappera-t-il longtemps à cette fatalité des divisions sous laquelle est tombé le ministère conservateur de M. Canovas ?

On ne gouverne pas facilement à Madrid pas plus qu’ailleurs. Le nouveau ministre des finances. M. Gamazo, et quelques autres ministres, par mesure d’économie, ont voulu tenter quelques réformes ; ils ont commencé par des épurations ou des éliminations de personnel, et naturellement c’est toute une armée de mécontens qui se forme déjà contre eux, qui les harcèle de sa bruyante opposition ; mais ce n’est point là encore ce qu’il y a de plus sérieux, de plus menaçant. Entre tous ces hommes qui composent le nouveau cabinet de M. Sagasta, il y a d’anciens, de vifs dissentimens qui se sont manifestés