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BALLANCHE



La renaissance religieuse, — ou la réaction religieuse : car qu’importent les mots dont la polémique fait usage, et acceptons-les tous pour abréger, — la renaissance ou la réaction religieuse du commencement de ce siècle intéresse beaucoup le siècle finissant. Il l’étudie, la questionne, quelquefois tâche à l’imiter. Le néochristianisme est une mode ; l’effort religieux est plus qu’une mode, et semble un besoin, à tout le moins une inquiétude. Cela ramène l’attention vers les efforts ou les inquiétudes du même genre qui se sont montrés il y a quatre-vingts ans sous diverses formes. Quiconque voudra étudier le mouvement religieux au XIXe siècle devra ne pas oublier Ballanche. Moins éclatant, mais beaucoup plus convaincu que Chateaubriand, pour ne pas dire plus sérieux, il a certainement séduit beaucoup moins d’imaginations, et sollicité beaucoup plus d’âmes. Absolument indemne de l’esprit du XVIIIe siècle, dont j’ai cru voir et montrer que les De Maistre et les Bonald sont encore très pénétrés, quoi qu’ils en aient, il n’a rien de leur allure batailleuse, impérieuse et tranchante, et il a dû pénétrer plus mollement, plus intimement et plus profondément dans les cœurs. La réputation de cet homme, qu’on ne lit pas depuis soixante ans, indique bien l’influence secrète et sourde qu’il a exercée sur nos pères. D’après les dates on peut le tenir pour le premier qui ait essayé de sonner le réveil religieux dans notre pays ; par sa nature, essentiellement original, solitaire, et creusant patiemment son puits, comme il a dit lui-même, il est de ceux qui n’obéissent guère à un engouement, et qui quelque-