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délibéré, anéanti et brisé tant de restes splendides, vénérables ou sacrés de l’ancienne basilique ? .. Cette question me tourmente toutes les lois que je visite les sagre grotte ; elle est venue m’obséder encore aujourd’hui devant les magnifiques tombeaux de Junius Bassusetde Boniface VIII, devant les mosaïques si curieuses de l’autel du Santo Volto du VIIe siècle, devant les inscriptions de saint Damase, le restaurateur des catacombes, et de Mathilde « la grande donatrice. » Chose piquante, parmi les plus vieilles de ces inscriptions, j’en ai lu une aussi du pape Grégoire III (733) contre les briseurs d’images et de statues…

Au sortir de ces cryptes, et avant de quitter la cité Léonine, j’ai fait encore une halte de quelques instans dans la bibliothèque vaticane, dans le salone que Domenico Fontana a construit au bout d’une année, et que cent peintres, sous la direction de Cesare Nebbio d’Orvieto et Guerreo de Modène, ont aussitôt couvert de fresques de haut en bas. Les fresques sont médiocres ; quelques-unes d’entre elles seulement (au-dessus des portes et des fenêtres) intéressent encore aujourd’hui le curieux, en lui offrant certaines vues de Rome, vers la fin du XVIe siècle. La peinture du couronnement de Sixte V mérite surtout l’attention : elle représente la place de Saint-Pierre dans l’année 1585. À droite, on voit le palais du Vatican ; puis vient la grande terrasse en haut du perron avec la Loge des bénédictions, derrière laquelle, mais déjà de l’intérieur de l’atrium, s’élève le clocher de Léon IV ; du côté opposé, au sud, s’étend le palais de l’archiprêtre, et tout près de là, un peu en arrière et en dehors de la terrasse, on aperçoit la guglia encore sur son ancien emplacement. L’espace laissé au milieu, entre le palais de l’archiprêtre et la Loge, est occupé par les trois portes qui donnent accès dans l’atrium ; au-dessus de ces portes apparaît en perspective le fronton de la basilique avec une immense fenêtre en rosace et une croix à la jointure des deux corniches. Une foule innombrable, à cheval et à pied, couvre la place et regarde la cérémonie du couronnement qui se passe en haut de la plate-forme et en avant de l’atrium sur une magnifique estrade surmontée d’un baldaquin… Ainsi tout est encore comme aux siècles précédais : la solennité a lieu à l’endroit accoutumé, et l’aspect est presque comme du temps des Hohenstaufen et de Charlemagne. Mais là-bas, au loin, à l’arrière-plan du tableau, tout à fait au fond, une tour ronde, gigantesque, se dresse comme une ombre menaçante à l’horizon. Elle n’est pas achevée ; on ne voit que les fenêtres séparées par des piliers accouplés, et la couverture manque : c’est le tambour de la coupole dont Michel-Ange a laissé le modèle en bois, de tout point fini, et que Sixte-Quint a ordonné