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astrologues, » la statue de Jules II fut placée dans la niche du portail de San-Petronio, au son de tambours, de trompettes, et de cloches.

Les astrologues avaient mal établi leurs calculs, et le peuple de Bologne, lui aussi, fut loin de rester sage. Il se révolta trois ans après (21 mai 1511), traita avec les Français, alors en-guerre avec le pape, et rappela ses anciens maîtres, les Bentivogli : la citadelle seule, récemment construite par Jules II, résista pendant quelque temps. « Or, — raconte le maréchal Fleuranges, dans son langage rude et pittoresque, — il y avoit dans la ville de Boulongne (Bologne), dessus le portail de la grande église, en hault, ung pape de cuivre tout massif, que le pape Jules avoit faict faire, lequel estoit grand comme un géant et se voyoit de la place de la ville. Les Bentivolles, ayant dépit de cela, lui attachèrent des cordes au col, et à force de gens, tirèrent en bas, et lui rompirent le col. Et commença à jurer le sieur de Bentivolle à M. de Nemours (Gaston de Foix), et au sieur Jacques (Jean-Jacques Trivulce, général en chef des Français), qu’il feroit faire un pet au pape devant son chasteau (citadelle) qu’il avoit faict à Boulongne ; car incontinent il le fit fondre, et en fit faire un double canon, lequel en dedans six jours, tira contre le chasteau[1]. »

Comment expliquer que d’une œuvre aussi considérable de Buonarroti, — une des rares statues qu’il eût complètement achevées, et la seule qu’il ait faite en bronze, — il ne nous soit resté aucune gravure, aucune esquisse, ni même une description tant soit peu détaillée et intelligente. ? Vasari, qui ne l’a pas vue, dit, dans son style conventionnel, qu’elle était pleine de majesté et de terribilità.


JULIAN KLACZKO.

  1. Fleuranges a fait toute la campagne de 1511 et parle on témoin oculaire. Toutefois, M. Gozzadini (Atti e Memoria… di Romagna, 1889, p. 242-5) soutient, d’après des chroniqueurs bolonais, que la statue ne fut détruite que vers la fin de l’année 1511 (30 décembre), bien des mois après la prise du castel, mais toujours sur l’ordre des Bentivogli. Les morceaux en auraient été envoyés à Alphonse, duc de Ferrare, qui en fit faire des coulevrines, une surtout très grande qu’il plaça devant son château et à laquelle il donna le nom de Giulia.