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nouvelles avaient permis de changer la distribution des chapitres de cette histoire et d’y introduire nombre de monumens d’une haute valeur, l’ensemble du cadre, jusqu’en 1876, ne s’était pas sensiblement élargi. On ne remontait pas au-delà de l’épopée homérique ; c’était avec celle-ci que l’on faisait commencer, chez la race grecque, en même temps que la poésie, le premier éveil de la faculté plastique. On cherchait, on rapprochait patiemment les quelques indications éparses que fournissaient l’Iliade et l’Odyssée sur ce qu’avaient pu être les rudimens de l’industrie et de l’art chez les tribus dont les mœurs et la vie se réfléchissaient dans le clair miroir du récit épique. C’était à cette même période, derrière laquelle on n’apercevait, on ne soupçonnait même rien, que l’on inclinait à attribuer les plus anciens monumens que l’on connût sur le sol de la Grèce, ceux de Tirynthe et de Mycènes.

L’été de 1876 vit Schliemann faire à Mycènes des fouilles dont le succès fut un coup de théâtre. Celles qu’il exécuta ensuite à Tirynthe, à Orchomène et à Troie ont achevé de faire ressortir la portée des résultats obtenus dans cette première campagne. L’ensemble de ces travaux a tiré de la nuit, dont les voiles s’étaient refermés sur elle, une Grèce antérieure à l’histoire et même à la légende. Les découvertes de Schliemann, de son éminent collaborateur, l’architecte allemand Doerpfeld, et de ses continuateurs, les éphores grecs Stamatakis et Tsoundas, ont ainsi donné à l’épopée comme une toile de fond et un arrière-plan. Celui-ci nous laisse entrevoir, vers ses dernières limites, les humbles débuts d’une civilisation vraiment primitive, débuts qui nous reportent à bien des siècles en arrière du temps où les aèdes commencèrent à chanter les exploits d’Achille et les aventures d’Ulysse errant sur les mers. Moins loin, mais bien au-delà encore du temps où l’imagination grecque a ouvert ses ailes toutes grandes, nous distinguons des sociétés chez lesquelles l’artisan possède déjà une rare habileté de main, mais qui sont d’ailleurs en rapport avec l’Asie antérieure et avec l’Egypte, où elles exportent les produits de leur industrie et d’où elles tirent des matières premières et des modèles ; aux ruines imposantes de leurs bâtimens et à tout l’or, à tout l’argent, à tout l’ivoire que livrent les sépultures, nous devinons des royaumes puissans, dont les chefs employaient à la construction de citadelles imprenables les bras de tout un peuple de sujets ou d’esclaves et, pendant leur vie comma après leur mort, s’entouraient d’un luxe étonnant d’étoffes somptueuses, de parures et de bijoux, d’armes et de meubles précieux. Bien des détails échappent encore, et bien des parties du tableau restent dans l’ombre. Cependant, grâce au grand nombre des monumens de cet âge que