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Ce que Percy Gardner ajouterait aujourd’hui, si le débat n’était pas clos depuis longtemps, c’est que ces bijoux, dans lesquels on a voulu reconnaître la parure de rois hérules ou goths, on les a rencontrés bien des fois, depuis 1876, à Mycènes même, aussi bien dans les tombes de la ville basse, creusées à même le tut calcaire, que parmi les décombres des maisons de la citadelle, et, hors de Mycènes, dans toute une série de sépultures, toutes disposées sur un même plan, qui ont été ouvertes en d’autres points de l’Argolide, en Laconie, en Attique et jusqu’en Thessalie. Pour être tenté d’admettre la théorie de Stephani, il faudrait donc supposer que la Grèce a été comme pavée des tombes de ces chefs des bandes germaniques, qui n’y ont fait qu’une si courte et si fugitive apparition. Sans pousser ainsi jusqu’à l’absurde l’hypothèse qu’il combattait, M. Percy Gardner l’avait, dès lors, réfutée par des raisons solides ; il avait très bien montré que la critique était tenue de chercher une autre explication.

Cette explication, celle qui a prévalu, c’est sir Henri Newton qui a eu l’honneur d’être le premier à la proposer. Ce que nos études doivent à M. Newton, personne ne l’ignore. On a entendu parler des fouilles mémorables qu’il a exécutées à Boudroum, l’ancienne Halicarnasse ; si l’on a visité le Musée britannique, on se souvient de la salle qui renferme, outre les deux fières statues de Mausole et d’Artémise, tant de fragmens curieux du célèbre mausolée. On n’a pas laissé de s’arrêter aussi devant la noble et mélancolique figure de la Déméter de Cnide, autre conquête de M. Newton, et l’on a pu apprécier les services qu’il a rendus au département qu’il a dirigé pendant vingt-cinq ans, de 1861 à 1886, avec une activité merveilleuse et toute la sûreté du goût le plus fin ; mais ce que l’on savait moins, hors de l’Angleterre, jusqu’au jour où il a réuni, sous le titre d’Essays on archœology and art, quelques-unes des études qu’il avait données, de loin en loin, à divers recueils périodiques, c’est combien il était capable de passer, sans embarras, de la pratique à la théorie. Aussitôt après la première annonce des découvertes de Schliemann, M. Newton courut en Grèce et, à son retour, au mois de mai 1877, dans une séance de la Society of antiquaries, il affirmait que les monumens sortis de ces tombes mystérieuses appartenaient à une période préhomérique, comme il l’appelait, de la vie du peuple grec, idée qu’il développait bientôt après dans un article de l’Edinburgh Review[1]. Pour justifier cette opinion, il se servait surtout des indices que lui fournissait une collection qui provenait de tombes fouillées par Salzmann à Ialysos,

  1. Edinburgh Review, janvier 1878 : Dr Schliemann’s discoveries at Mycenœ (Essays, p. 217-302).