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dans l’île de Rhodes. Ces objets, pâtes de verre, folioles, plaques et boutons de métal estampés, n’étaient pas encore exposés dans les galeries. En les mettant alors sous les yeux du public, M. Newton montra que l’on y retrouvait, dans des exemplaires plus simples et de moindre dimension, les procédés et les types qui l’avaient frappé dans les bijoux recueillis à Mycènes.

L’année suivante, François Lenormant, toujours en quête des nouveautés qui pouvaient élargir l’horizon de la science, adoptait les idées de M. Newton et les exposait aux lecteurs français[1]. Familier, comme pas un, avec les monumens antiques, qu’il avait appris à connaître, par manière de jeu, presque dès l’enfance, il fut en mesure, là comme partout, grâce à sa mémoire prodigieuse, de beaucoup ajouter à la doctrine dont il s’était déclaré le défenseur ; il la fit sienne par les observations ingénieuses et neuves qu’elle lui suggéra. Je fus, pour ma part, l’un des premiers convertis. Ce n’était pas des origines de l’art grec que je m’occupais alors dans la chaire d’archéologie de la faculté des lettres ; mais, dès ce moment, quand l’occasion s’offrit à moi de toucher à cette question, je m’empressai de montrer quelle importance j’attachais aux découvertes de Schliemann ; si je n’acceptais pas toutes les conclusions que celui-ci prétendait en tirer, celles qu’avaient présentées à ce propos MM. Newton et Lenormant me paraissaient offrir la plus haute vraisemblance[2]. Leur thèse, celle d’une période préhomérique à laquelle appartiennent tous ces monumens, aussi bien les remparts dits cyclopéens des citadelles de l’Argolide que les vases et les bijoux trouvés dans les tombes à fosse de l’acropole mycénienne et dans les tombes à coupole semées en Grèce un peu partout, cette thèse qui n’a pas laissé d’abord d’étonner les esprits timides, n’est plus aujourd’hui en discussion. Malgré quelques contradicteurs isolés qui se sont tus l’un après l’autre, elle a fini par s’imposer. C’est qu’elle a subi, sans fléchir, l’épreuve décisive ; tous les faits que sont venues révéler des fouilles nouvelles, elle les explique d’une manière satisfaisante, et elle est seule à les expliquer ainsi. Toute autre théorie, et on en a essayé plusieurs, se heurte à des difficultés qui forcent bientôt à l’abandonner.

  1. Fr. Lenormant, les Antiquités de la Troade et l’histoire primitive des contrées grecques, 1 vol. in-8o ; Paris, Maisonneuve, 1880. Les articles dont se compose la seconde partie du volume avaient paru, en 1879, dans la Gazette des Beaux-Arts.
  2. Les Découvertes archéologiques du docteur Schliemann (Revue politique et littéraire du 9 avril 1881).