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pas flanqué de colonnes ; ce devait être une sorte de salon, où les femmes se réunissaient pour filer, tisser et coudre. Ici, comme dans l’autre portion du bâtiment, les murs étaient couverts d’un crépi qui dissimulait la grossièreté de l’appareil, et, dans les intérieurs, le pinceau avait couvert de peintures décoratives la couche de chaux fraîche. Ici, ces enduits peints adhéraient encore au mur ; dans le reste de l’édifice, ils s’en étaient détachés, et c’est à terre que l’on en ramasse les morceaux.

Exécutées avec cinq couleurs, le bleu, le jaune, le blanc, le noir et le rouge, la plupart de ces peintures ne présentaient que des combinaisons de lignes, surtout de lignes courbes, des enroulemens analogues à ceux qui ornent les bijoux et les vases. Sur quelques autres panneaux, il y avait des figures, figures d’hommes et d’animaux, figures d’êtres factices, du genre de celles qui foisonnent dans les monumens de l’art oriental. C’est à des images de cette sorte qu’ont dû appartenir les grandes ailes dont les longues plumes se voient, à Tirynthe, sur les débris de l’une des fresques. À Mycènes, on a trouvé quelque chose de plus complet, trois personnages, qui, sur des corps humains, ont des têtes d’âne ; ils portent sur leurs épaules une perche à laquelle, comme le donne à penser une pierre gravée du même style, était probablement suspendue quelque bête tuée à la chasse. On s’accorde à reconnaître là les premières esquisses de ces types qui, comme les satyres, comme les fleuves personnifiés, garderont toujours, même dans l’art de l’âge classique, quelques traits de l’animal, les pieds, la queue et les cornes du bouc ou les cornes du taureau. Le Minotaure de Crète ressemble davantage encore à ces formes composites et bizarres dont plus d’une variante se rencontre dans la série des intailles. D’autres tableaux appartenaient à ce que nous appellerions la peinture de genre. C’est, à Tirynthe, la poursuite du taureau sauvage, auprès duquel court un chasseur ; ce sont, à Mycènes, des scènes militaires, des guerriers debout près de leurs chevaux.

Le décor d’une riche coloration qui, dans ces appartemens, habillait toutes les surfaces n’était d’ailleurs pas dû au seul travail du pinceau ; la diversité des matières employées venait aussi concourir à l’effet. Le bois qui, débité en madriers et en planches, garnissait certaines parois, offrait, avec ses veines, des nuances foncées qui ressortaient sur les teintes claires de la peinture ; mais, pour varier les effets, on avait eu recours aussi à des roches choisies pour la beauté de leur ton naturel, aux métaux et à certains produits artificiels. À Tirynthe et à Mycènes, on a ramassé des fragmens d’une brèche verte et d’un porphyre rouge qui ont fait partie soit de l’encadrement d’une porte, soit d’un entablement ;