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parce qu’ils commencent à s’apercevoir que tous leurs moyens sont usés, qu’ils n’ont plus même la ressource de réchauffer les vieilles passions anticléricales. Ils l’ont éprouvé récemment encore, ils l’éprouvent tous les jours. Ils ont vainement tenté d’organiser une sorte de campagne contre M. le président de la république, parce que M. Carnot, en recevant de nouveaux cardinaux, a tenu le langage d’un chef d’État. Pas plus tard qu’hier, ils ont cru embarrasser M. le ministre des affaires étrangères parce que le gouvernement français, comme tous les gouvernemens de l’Europe, a chargé son ambassadeur d’une mission spéciale auprès du souverain pontife, à l’occasion de son jubilé épiscopal : ils n’ont réussi qu’à s’attirer une réponse ou plutôt un refus de réponse assez dédaigneux de M. Develle. Ils voient devant eux, autour d’eux, sous toutes les formes, un travail de liquidation morale et politique, de pacification qui les menace, et ils s’efforcent de l’interrompre, en essayant de compromettre le gouvernement. Voilà tout le secret de l’interpellation, de cette prétendue revanche du 8 février !

Non, évidemment, quel que soit le tourbillon des choses du jour, il n’y a pas d’équivoque, — ou il n’y a d’autre équivoque que celle qu’on se plaît à créer autour d’un incident qui n’a rien d’obscur. Le fait est que cette séance du 8 février n’a eu toute sa signification et son importance que parce qu’elle a dévoilé une situation, parce qu’elle a marqué d’un trait plus net et plus vif cette transition qui s’accomplit, la fin d’une politique épuisée, compromise par ses propres excès. Que les radicaux aient senti le coup qui les frappait et essaient encore aujourd’hui de le détourner ou de l’atténuer par des diversions ou des confusions nouvelles, rien de plus simple. On n’est probablement pas au bout ; mais quel intérêt aurait le gouvernement à se faire le complice ou la dupe de ces tactiques, à subir la solidarité d’actes « réprouvés » auxquels il est étranger, à se laisser ramener, on ne sait par quelle routine de parti, à cette concentration républicaine qui n’est plus qu’un expédient usé et ruiné ? M. le président du conseil est un esprit trop avisé pour ne pas voir que le moment est venu de se décider de ne plus se contenter de vulgaires manèges de coteries, de voir de plus haut une situation où les affaires de Panama ne sont après tout qu’un incident, où se sont développés, souvent à la faveur de connivences officielles, tous les instincts d’agitation et d’anarchie, qui sont le péril de la société française, de la république elle-même.

Ce qui a fait jusqu’ici la faiblesse du gouvernement, c’est de paraître toujours louvoyer ou céder à la première menace de parti, de se traîner dans toutes sortes de demi-mesures qui souvent n’atteignent même pas le but qu’on se propose. On l’a vu récemment avec toutes ces petites lois partielles, décousues, improvisées pour la circonstance, portées successivement de la chambre des députés au sénat ou du