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sénat à la chambre des députés. Elles étaient motivées, nous en convenons, par de crians excès. Tantôt des polémiques sans retenue et sans prévoyance, abusant du droit de tout dire, risquaient de compromettre nos rapports extérieurs, en mêlant à nos disputes intestines les noms des souverains et des ambassadeurs étrangers. Tantôt on s’apercevait tout à coup que des agitateurs déjà condamnés pouvaient, sous la protection de procédures complaisantes, continuer indéfiniment leurs propagandes anarchiques en bravant les lois et la police. Plus récemment, c’était une violente campagne organisée pour ruiner le crédit de nos caisses d’épargne, au risque d’ajouter une crise de plus à la crise de Panama. On a couru au péril, on a cherché une défense dans de petites répressions législatives. On a fait ce qu’on a pu, nous le voulons bien ; on l’a fait comme ceux qui sur un navire en détresse courent à toutes les voies d’eau qui se déclarent tour à tour ; mais il est bien clair que ce n’est là qu’une politique d’expédiens partiels et insuffisans, que ce qu’on craint toujours, c’est d’avoir l’air de toucher à la loi de la presse ou de paraître céder à l’esprit de réaction. Il ne s’agit pas de réaction ! Il s’agit de faire sentir l’autorité de la loi à tous ceux qui la violent ; il s’agit d’empêcher ce qui se voit tous les jours, des syndicats imposant leur tyrannie à des ouvriers qui veulent garder leur liberté, des anarchistes prêchant, dans des réunions publiques et jusque dans des bourses du travail, la haine de la patrie et la révolte aux conscrits. Tout cela se tient dans cette situation du moment, telle que dix années de relâchement l’ont faite ; tout cela, c’est le danger multiple et indéfini qui prolonge l’incertitude inquiète de l’opinion. Et contre ce danger il n’y a d’autre préservatif qu’un gouvernement faisant appel sans crainte à toutes les forces morales, élevant le sentiment de sa responsabilité à la hauteur des circonstances, résolu à faire justice des scandales financiers sans doute, — mais aussi à faire respecter les lois protectrices de la paix et de l’honneur de la France.

Tout ce qui se passe depuis quelques mois en France est certes fait pour peser sur notre sécurité publique, sur la marche de nos affaires intérieures. Le plus triste est que ce n’est là encore que la moitié du mal, que cette crise qui a dévoilé tant de faiblesses a son retentissement au dehors et n’est pas de nature à relever notre crédit extérieur, l’autorité de notre diplomatie dans les affaires de l’Europe et du monde. Sans doute, notre pays n’est pas le seul à avoir ses scandales ; il a malheureusement le singulier privilège d’être toujours plus que tout autre en spectacle et tout ce qui nous arrive sert de prétexte aux passions ennemies qui se hâtent d’en profiter pour reprendre leur éternelle tactique de travailler à la déconsidération et à l’isolement de la France, de renouer autour d’elle la coalition des défiances. Faux