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cherchait à y occuper l’oxygène ; le soufre refuse de s’unir à l’azote.

M. Berthelot, qui ne le cède pas à ses illustres devanciers, a, en créant la thermo-chimie, donné la formule précise, indiqué le pourquoi des unions et des divorces de ce monde insensible où l’amour s’appelle affinité. Plus les affinités de deux corps sont vives, plus ils se sentent l’un pour l’autre d’attraits, plus aussi est ardente la chaleur qui se manifeste au moment où se consomme leur union.

Dressant par ordre croissant d’intensité le tableau des chaleurs dégagées dans les diverses combinaisons, l’illustre savant a établi cette loi expérimentale si féconde et si conforme aux plus hautes inductions de la philosophie naturelle : Les composés qui se produisent avec le plus grand dégagement de chaleur tendent à se former de préférence aux autres. La combinaison du carbone avec l’oxygène développe deux fois plus de chaleur que celle qui a donné naissance à l’oxyde de fer ; mis en présence de cet oxyde dans des conditions de température convenables au développement de leurs affinités, le carbone lui enlèvera son oxygène. En revanche, ce puissant réducteur sera sans action sur l’oxyde d’aluminium, l’alumine, dont la chaleur de formation est supérieure à celle des produits oxygénés du carbone. C’est la raison pour laquelle les longs siècles qui ont précédé celui-ci ont connu le fer, ont ignoré l’aluminium. Le carbone, seule ressource de leur métallurgie, efficace à faire sortir le fer de ses combinaisons avec l’oxygène, était sans action sur les argiles qui recelaient le léger métal. Le carbone était plus impuissant encore sur la soude et la potasse, et presque aussi longtemps que l’aluminium, les métaux de ces alcalis restèrent ignorés et, partant, inutiles. En 1807, Humphrey Davy soumet les alcalis à l’action d’une pile électrique, puissante pour l’époque : à l’électrode négative apparaissent des grains d’une couleur grisâtre. Les métaux alcalins, le potassium, le sodium, étaient découverts au moment même où, sur le Niémen, les maîtres du monde s’entendaient pour lui donner une paix, moins durable, hélas ! que les conquêtes de la science. Cependant, la magnésie, l’alumine, résistent encore. La science pour les vaincre prend un détour. Œrsted convertit ces intraitables oxydes en chlorures anhydres, et Woehler, à son tour, a la gloire de décomposer ceux-ci en les mettant en présence du potassium. L’intuition du savant suédois n’avait pas été vaine. Le potassium avait bien, en effet, pour le chlore, une affinité supérieure à celle de ces métaux terreux, jusque-là réfractaires à toute tentative. Entre le chlorure d’aluminium et le potassium la réaction s’opère : le métal alcalin s’empare du chlore, devient un chlorure à son tour, tandis qu’au