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ne faisaient-elles pas la guerre, seulement sur une plus petite échelle que les héros de pronunciamientos ?

L’histoire du Mexique, pendant ces soixante-dix ans, devrait être écrite par la main du bourreau, comme le disait Voltaire de l’histoire d’Angleterre sous les Tudors et les Stuarts. Presque tous les hommes marquans sont morts fusillés et les victimes obscures ont été innombrables. Les confiscations des biens des particuliers et les banqueroutes publiques ont abaissé le niveau de la probité. Cependant quelque chose du caractère chevaleresque des Castillans s’est conservé dans le fond de la nation : même dans les plus mauvais jours, des traits héroïques de courage guerrier, d’admirables exemples de fidélité et de dignité dans la défaite, ont été le rachat des bassesses, des trahisons et des cruautés qui sont inséparables des guerres civiles.

Les ruines matérielles avaient été non moins grandes. L’agriculture avait été négligée. Les pillages d’haciendas, les vols de bestiaux, les rançons exorbitantes exigées des propriétaires arrêtés avaient empêché toute amélioration. Un grand propriétaire de Mexico nous disait que, de 1857 à 1866, il n’avait pu mettre une seule fois les pieds dans ses terres situées dans l’état voisin de Morelos, et que, pendant ce temps, les bandes lui avaient enlevé plus de 12,000 têtes de bétail. Le nombre des représentans de la race chevaline avait, pendant ce temps, diminué considérablement et son sang, tiré de l’Andalous, est resté notablement abaissé. Beaucoup de mines exploitées par les Espagnols avaient été abandonnées. Aucune industrie ne s’était développée : nul travail d’utilité publique n’avait été exécuté. Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de la lenteur de l’accroissement de la population. De Humboldt, en 1810, l’évaluait à 6,800,000 âmes ; en 1883, un voyageur belge fort sérieux, M. Leclercq, ne la portait pas à plus de 10 millions. Le contraste ne peut pas être plus grand avec les États-Unis, dont, pendant le même temps, la population a sextuplé.


II

Ce passé explique la manière dont Porfirio Diaz gouverne et le sentiment de profonde satisfaction qui domine les rancunes des partis et assure la perpétuité de sa dictature.

Un pouvoir absolu est seul possible dans une société pareille ; car seul il est capable d’inspirer le respect aux Indiens et la crainte aux élémens turbulens qui y abondent. Nous avons dit les raisons pour lesquelles une monarchie régulière est impossible ; mais la