obtiennent une dispense du gouvernement ; puis aucune barrière légale n’empêcherait le rush que la fièvre de l’or détermine infailliblement dans une société chargée d’élémens violens et aventureux comme celle des États-Unis. Des colonies de Mormons se sont déjà fixées dans les États de Chihuahua et de la Sonora. D’autres plus nombreuses s’y établiront, quand des chemins de fer traverseront les territoires déserts du nord. Par elles-mêmes ces colonies sont absolument inoffensives ; mais elles montrent le chemin aux Gentils qui les suivront, lorsque les Mormons auront, avec leur remarquable puissance de travail, fait des défrichemens et créé des centres de population.
Si de pareils événemens venaient à se produire, ils surexciteraient au plus haut point le sentiment national qui est très vif chez les Mexicains.
Le souvenir du démembrement imposé par le traité de Guadalupe-Hidalgo est resté amer dans tous les cœurs. On l’a bien vu par un incident récent. En 1892, au milieu de pourparlers pour un traité de commerce, qui du reste n’ont pas abouti, le ministre américain à Mexico eut l’idée de faire restituer au Mexique les drapeaux que les troupes du général Scott lui avaient enlevés en 1847 et qui depuis lors ornent la chapelle de l’École militaire de West-Point. Porfirio Diaz avait accueilli cette ouverture ; mais un journal indépendant ayant fait remarquer que cette condescendance des États-Unis était une humiliation de plus pour le Mexique, car des drapeaux pris sur les champs de bataille doivent être reconquis les armes à la main, un pétitionnement s’organisa partout pour protester contre une restitution faite dans ces conditions. Le gouvernement, se sentant mal engagé, se hâta de désavouer ce projet. Quant aux Américains, ils n’ont rien du tout compris à cette délicatesse du patriotisme d’un peuple qui n’entend pas oublier sa défaite.
L’engouement actuel de la jeunesse pour les modes et les manières yankees est tout à la surface. Le contact avec les Américains peut d’ailleurs être très fécond pour les Mexicains. Si les jeunes gens des familles riches, qui vont faire aux États-Unis leur éducation, y apprennent l’esprit d’entreprise industrielle, l’estime du travail productif, au lieu du culte du fonctionnarisme, s’ils en rapportent une large tolérance religieuse, le respect des formes juridiques et des droits acquis, ils auront pris à la civilisation américaine ce qu’elle a de meilleur et donné à leur patrie ce qui lui a le plus manqué jusqu’à présent.
Au fond, le Mexique est absolument inassimilable aux États-Unis. Sa civilisation a une force de résistance qui l’emportera même