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sur la fréquence des communications et le resserrement des liens commerciaux. Pour en être assuré, il faut avoir vu le pays, s’être rendu compte de ses conditions économiques si particulières, de l’esprit et du caractère de la race indienne qui, il ne faut pas l’oublier, fait le fonds de la population, de la profondeur des élémens historiques qui ont formé l’âme nationale. Les bornes de cet article ne nous permettent même pas d’indiquer ce dessous de la politique nationale mexicaine. Un seul trait suffira pour faire comprendre la résistance du peuple mexicain à l’étranger. Depuis le triomphe de Juarez, les diverses confessions protestantes des États-Unis ont essayé de faire des prosélytes ; elles ont ouvert des écoles, bâti des temples. Les Mexicains mauvais catholiques, francs-maçons, positivistes, incrédules, ne manquent assurément pas. Et cependant pas un seul n’a sérieusement abandonné sa vieille église, ni renié le culte dans lequel il a été élevé. Aussi, dans la dernière convention de l’Église épiscopale américaine, un de ses membres les plus distingués disait qu’il vaudrait mieux employer à christianiser les païens de New-York les fonds et les efforts qu’on dépense en pure perte à vouloir changer la religion du Mexique.

L’organisation administrative d’un peuple révèle mieux sa constitution sociale intime que les institutions politiques, qui souvent ne sont qu’une façade. Or, les tribunaux, les communes, les pouvoirs administratifs sont calqués sur l’organisation napoléonienne de l’an vin : chefs politiques, chefs de district, alcades, ayuntamientos, sont sous des noms espagnols nos préfets, sous-préfets, maires, conseils municipaux. Le code civil mexicain, qui s’applique au district fédéral et aux territoires, les codes civils des différens États, sont la reproduction presque textuelle du code Napoléon. Dans ces dernières années seulement, la plupart de ces codes ont admis la liberté de tester absolue pour le père de famille ; mais cette modification si importante ne paraît pas avoir été due à une influence de la législation américaine. Elle semble plutôt être le résultat d’un mouvement scientifique qui s’est produit dans le monde des légistes et qui a abouti en 1890 à une modification semblable du code espagnol.

Aux habitudes administratives, au culte, à la législation civile s’ajoute enfin la littérature pour faire essentiellement du peuple mexicain une nation latine. Le peu d’avancement économique du pays et surtout les longues révolutions qu’il a subies ont empêché la fondation d’universités véritables ; mais les lycées destinés à l’enseignement secondaire et où les études ont pour base le latin, les petits séminaires, les écoles de droit sont très