Nous sommes à vingt ans de là, en 1893, et cette guerre n’a pas eu lieu. Mais on continue de jurer que, le pape et nous, nous y pensons toujours et que l’Italie est bien heureuse d’avoir l’Allemagne et l’Autriche derrière elle.
Que nous ne pensons pas à rétablir le pouvoir temporel des papes, c’est démontré autant que cela peut l’être et de toutes les manières, même par l’absurde. Le miracle n’est point à notre service et nous ne pouvons rendre l’ouïe aux sourds qui ne veulent pas entendre, pas plus que la liberté raisonnée de leurs actes et la parfaite possession, la maîtrise de soi, aux nations tombées en catalepsie.
Aux accusations portées contre la France, on pourrait riposter par d’autres accusations. On pourrait faire remarquer que le jeu de bascule, le double jeu qu’il jouait en 1870, M. de Bismarck, depuis 1870, tant qu’il a été au pouvoir, n’a pas cessé de le jouer, tenant le pape en haleine par le roi et le roi en échec par le pape, disant au Vatican : « Prenez garde, je vais reconnaître l’occupation de Rome, » et au Quirinal : « Prenez garde, je n’ai pas reconnu l’occupation de Rome. » Sans doute, le ministre de Prusse, M. Brassier de Saint-Simon, avait été le premier à complimenter Victor-Emmanuel au palais de Monte-Cavallo ; mais le comte d’Arnim n’avait pas été le dernier à s’affliger avec Pie IX, et les condoléances de l’un annulaient les félicitations de l’autre. Sans doute, le ministre de Prusse s’était toujours trouvé aux cérémonies officielles d’où, par hasard ou par malheur, le ministre de France était absent. Mais quelles petites chicanes et quelles misères de la forme !
Sans doute, l’empereur Guillaume Ier était venu à Milan et, plus tard, le prince impérial Frédéric, plus tard encore l’empereur Guillaume II vinrent à Rome ; mais M. de Bismarck lui-même avait dû faire, en esprit, un plus dur voyage : il avait dû aller à Canossa. Sans doute, Guillaume II, dans un dîner, au Quirinal, portait un toast, dont l’Italie s’est sentie toute réchauffée, à « la capitale intangible, » mais il faisait au pape une visite, et le vieillard auquel il la faisait, cette visite, n’était pas le chef de sa religion. L’Italie l’a donc oublié : M. de Bismarck disait au pape : Sire ! Lorsque Guillaume II vint à Rome, M. de Bismarck n’était déjà plus le maître : il n’était plus, pour son jeune souverain, que le pédagogue. On ne l’écoutait déjà plus. « Rome capitale intangible, » un monarque prussien, un empereur allemand l’a peut-être reconnue, mais non la diplomatie prussienne, mais non la politique