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les bonnes feuilles des comptes-rendus ; je ne veux pas entrer dans les détails, quel que soit leur intérêt, je cherche à dégager une vue d’ensemble.


I

L’histoire des mots se confond souvent avec l’histoire des idées. Depuis que la psychologie nouvelle a nettement affirmé son existence par les travaux qu’elle a suscités, on a compris qu’il était nécessaire de trouver un titre spécial pour caractériser sa méthode et son objet, et surtout pour la distinguer de l’ancienne psychologie, car quelques auteurs ont voulu établir entre les deux le même abîme qu’entre l’astronomie et l’astrologie, ou la chimie et l’alchimie. J’avoue que je ne partage pas complètement ce dédain et que ces faciles oppositions de mots ne me satisfont pas. On a tort de faire table rase des idées anciennes et de prétendre que la psychologie date d’une vingtaine d’années ; c’est là ce qu’on a dit et écrit dans ces derniers temps ; c’est une exagération et une injustice ; mais il ne faut pas s’en étonner outre mesure : les changemens de direction, dans les sciences comme dans les arts, ont toujours un caractère un peu révolutionnaire.

Quoi qu’il en soit, pour éviter les confusions et les méprises, et pour rendre à chacun ce qui lui est dû, il est important d’indiquer clairement, par un terme approprié, la nouvelle direction des études psychologiques : mais c’est ici que commence la difficulté ; pour définir une étude d’une manière exacte, il ne suffit pas de l’avoir pratiquée, il faut avoir une conscience claire de ce qu’elle renferme de nouveau.

Pendant quelques années, on a adopté, en France, l’expression de psychologie physiologique ; ce terme, un peu ambigu et de sens étroit, a joui de quelque faveur ; il a été donné comme titre à la Société de psychologie qui a existé pendant quelques années à Paris, et au Laboratoire de psychologie que M. Liard a fondé à l’École des Hautes Études ; on abandonne maintenant cette expression sans doute pour ne point effrayer les scrupules des personnes un peu timorées qui trouvent que la physiologie est un mot suspect de matérialisme ; on marque aujourd’hui la direction de la psychologie nouvelle en se servant du terme plus général et plus juste de « psychologie expérimentale. »

Mais, à ce propos, un nouveau commentaire est devenu nécessaire. Il ne faudrait pas croire que la psychologie nouvelle établisse une distinction profonde entre l’observation et l’expérimentation et ne veuille relever que de cette dernière. Ce serait