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effets que l’on peut obtenir par ces moyens. Mais on ne sait pas au juste en quoi consiste cette action individuelle, dont la puissance varie à ce point d’une personne à l’autre, que tel expérimentateur ne peut suggestionner que vingt sujets sur cent, tandis qu’un autre se vante de ne pas en a manquer » un seul. Il y a là des recherches à poursuivre ; elles ont beaucoup donné, elles donneront encore beaucoup ; la source n’est pas tarie.


V

Cette courte analyse pourrait se passer de conclusion. Nous-tenons cependant à mettre bien en lumière l’idée dominante qui se dégage des recherches modernes sur les faits de conscience.

Cette idée, c’est l’autonomie de la psychologie expérimentale, qui s’est définitivement organisée en science distincte et indépendante. À l’heure actuelle, la psychologie expérimentale représente un ensemble de recherches scientifiques qui se suffisent jusqu’à un certain point à elles-mêmes, comme les recherches de la botanique et de la zoologie ; elle s’est dégagée de cet amas encore confus et mal dessiné de connaissances auquel on donne le nom de philosophie ; elle a coupé l’amarre qui l’attachait jusqu’ici à la métaphysique.

Entendons-nous bien sur ce point important de doctrine. La psychologie expérimentale est indépendante de la métaphysique, mais elle n’exclut aucune recherche de métaphysique ; elle ne suppose aucune solution particulière des grands problèmes de la vie et de l’âme ; elle n’a par elle-même aucune tendance spiritualiste, matérialiste ou moniste ; elle est une science naturelle, rien de plus ; on-peut être psychologue et métaphysicien ; plus d’un ne s’en fait pas faute. C’est de la même façon qu’on peut être géologue et chrétien. Ces tendances ne sont pas incompatibles, elles sont distinctes.

Science de faits, la psychologie utilise un grand nombre de méthodes, que, pour plus de simplicité, nous avons réduites à trois principales. Ici il s’agit d’une expérience régulière qu’on fait subir à une personne ; on opère par exemple sur les mouvemens de son bras, et un appareil particulier, qui est chargé d’enregistrer ce mouvement, peut servir de témoignage pour la véracité de l’expérience. Là, c’est un malade, un sujet mis en état d’hypnotisme, qui se comporte d’une certaine manière sous l’influence de la suggestion qui lui a été adressée ; et l’examen de sa conduite, de ses actes ou de ses paroles peut servir d’indice et de preuve pour une théorie psychologique. Enfin, dans d’autres cas, il s’agit d’étudier le détail d’un état mental fréquent chez l’homme normal ; on rédige un questionnaire, on le répand à profusion ; et les réponses, dans la