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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/49

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avec Jules II, avec les Médicis, et même avec ce pauvre et malheureux Signorelli dont il aurait dû mieux respecter le grand âge et le grand mérite. Il se croit indignement exploité et il l’est, en effet, par ceux-là surtout auxquels il adresse ses doléances ingénues, par sa famille en première ligne, qui le rançonne sans pitié. Nerveux et fantasque, il attache une importance singulière aux songes et aux présages ; il a parfois des hallucinations étranges, des terreurs inconcevables ; sous l’empire de ces obsessions, il prendra, dans des circonstances critiques, des résolutions irréfléchies, compromettantes pour son repos, compromettantes même pour sa renommée, comme lors du siège de Florence.

Il a le cœur éminemment bon pourtant et aimant, d’une tendresse, d’une délicatesse presque féminine. « Ceux qui ne connaissent de Michel-Ange que ses œuvres n’estiment que ce qu’il y a de moins parfait en lui, » dira plus tard Vittoria Colonna. Sa correspondance témoigne à chaque page de l’attachement profond qu’il porte à son père et à tous les siens, de sa sollicitude touchante pour ses vieux domestiques, leurs veuves et orphelins ; ses aumônes sont aussi abondantes que discrètes. Remarquez toutefois la veine aristocratique qui perce jusque dans ses actes de bienfaisance et de générosité. Il profite du premier argent gagné pour mettre son père à l’abri du besoin : il lui achète une terre « afin qu’il puisse vivre en gentilhomme. » Il veut faire de son neveu Lionardo son héritier universel et le presse de se marier. « Ne regarde pas à la dot, mais au bon caractère de l’épousée. Je pense qu’il y a à Florence plus d’une famille noble, mais pauvre, avec laquelle il serait charitable de contracter une union. On ne dira pas que tu veux t’anoblir par le mariage, car il est bien connu que nous sommes aussi anciens et aussi nobles que qui que ce soit à Florence. » Une autre fois il le charge de rechercher « quelque citoyen nécessiteux qui a des filles à marier ou à placer dans un couvent, et donne-lui des secours secrètement ; mais prends garde aux imposteurs. Je parle de citoyens ; car je sais que ceux-là ont honte de demander lorsqu’ils se trouvent dans la gêne. » Ou bien encore : « Je te saurai gré de m’apprendre si tu entends parler de quelque citoyen noble qui est dans la misère, notamment de ceux qui ont des enfans à la maison, pour que je puisse leur venir en aide. Aie soin de donner là où il y a besoin réel et non par considération de parenté ou d’amitié, mais par l’amour de Dieu. Ne dis pas d’où vient le secours. »

C’est aussi à ce même neveu qu’il écrit un jour : « Dis au prêtre (Fattucci) de ne pas adresser Michel-Angelo scultore, car je ne suis connu ici que comme Michel-Angelo Buonarroti. Je n’ai jamais été peintre ni sculpteur comme ceux qui en font boutique (come chi