Palla Strozzi. La postérité aura également de la peine à comprendre que les temples de Paestum aient pu échapper à l’attention de vos architectes, si admirables par le génie et l’application. Brunellesco, Alberti, San-Gallo, Bramante, ont compulsé Vitruve avec ardeur, ont mesuré tout fût de colonne, examiné avec soin chaque base et chaque chapiteau qu’ils voyaient gisant sur le sol de Rome, sans même se douter que trois periptères, les plus glorieux exemples de l’architecture dorique, se trouvaient là à leur portée, sur la terre italienne, à quelques pas de Salerne… Pendant une longue suite de générations encore, ces merveilles de Posidonia et du Pirée solliciteront en vain le regard de vos artistes, la curiosité de vos humanistes, un jour même, — jour à jamais néfaste ! — le boulet d’un amiral vénitien viendra frapper le Parthénon et détruire le plus auguste monument de la grande antiquité : et cet immense désastre passera inaperçu, ne trouvera aucun écho de douleur, dans un siècle classique entre tous et fier comme nul autre de son culte pour les Grecs et les Romains ! ..
« C’est que votre méprise, Buonarroti, a été celle de tout le monde, de tous les brillans esprits qui ont inauguré en Italie le retour vers l’idéal classique, l’étude enthousiaste de ces modèles d’harmonie et de beauté que les anciens ont laissés dans leurs œuvres. L’enthousiasme fut, dès l’origine, tumultueux et confus : on ne sut distinguer les mérites divers ni les phases multiples d’un vaste développement qui a eu sa jeunesse, sa maturité et sa décadence ; et on s’est attaché de préférence aux productions du déclin, de l’époque alexandrine ou romaine, parce qu’elles étaient plus répandues, plus accessibles, plus faciles à comprendre, plus aisées aussi à imiter. Virgile, que votre Dante déjà avait pris pour guide, pour « son auteur, » l’emportera ainsi encore longtemps chez vous sur Homère ; et de même Horace l’emportera sur Pindare, Sénèque sur les grands tragiques d’Athènes. Dans les arts du dessin, le malentendu sera d’autant plus général et profond, que les monumens de l’âge d’or seront plus rares et d’un abord difficile ; rencontrés d’aventure, ils n’auront aucune prise sur une humanité façonnée à des modèles différens qui lui font mirage et représentent à ses yeux la tradition classique par excellence et la perfection idéale.
« Le mirage durera pendant des siècles, fera le tour du monde, et ne se dissipera que très tard sous l’influence des courans nouveaux, des rivalités nationales et des découvertes bien extraordinaires. L’intérêt croissant pour la poésie populaire dans divers pays, l’étude des traditions et légendes indigènes auront pour contre-coup de faire éclater le charme naturel, la simplicité magistrale et la fraîcheur printanière de l’épopée ionienne. Des débats