actuels. Notre conduite ne doit plus relever à cette heure que de notre patriotisme, sans aucun ressouvenir de nos vieilles démarcations de partis. » Une fois engagé dans la campagne électorale avec son compatriote et son collègue de la dernière chambre, M. de Quatrebarbes, il la menait vivement, adroitement, en habile tacticien, et il se peint lui-même dans une petite anecdote qu’il raconte. M. de Quatrebarbes, tout disposé qu’il fût à subordonner ses sentimens royalistes au patriotisme, à la paix civile, avait des scrupules et n’était point sans s’inquiéter un peu des allures délibérées de son jeune compagnon ; au moment de paraître dans une réunion électorale, il lui avouait que « le mot de république lui répugnait à prononcer. » Et lui, M. de Falloux répondait lestement : « Répugner à prononcer le nom quand on subit la chose ne me paraît pas très raisonnable ; on ne fait pas disparaître ce qu’on passe sous silence. Cependant ne vous en inquiétez pas ; je serai, s’il le faut, un peu plus logique que vous et je paierai pour nous deux. » Et, comme il l’avait dit, il le faisait. Devant une assemblée réunie à Angers, ouverte à tous les partis, à ses contradicteurs méfians comme à ses amis, il abordait toutes les questions du jour avec un art singulier. Il mêlait dans son discours la république récemment « proclamée, » le pape Pie IX, les droits de la conscience religieuse, les droits des « travailleurs, » l’avènement de la démocratie, — pour finir par déclarer que lui et ses amis voulaient rester, à travers les tempêtes, sur « le vaisseau de la France, » quel que fût le pavillon.
Quand il parlait ainsi, était-ce, comme on l’a dit depuis, de la duplicité, un machiavélique et décevant artifice ? Cachait-il, sous des apparences républicaines, quelque profond calcul, une arrière-pensée perfide ? Il n’y avait ni tromperie ni artifice. M. de Falloux et ses amis cédaient tout simplement à la pression des choses, à une nécessité du temps, d’autant mieux qu’ils n’avaient pas même devant eux le mirage d’une restauration possible. Assurément, en entrant dans la république, ils n’abdiquaient pas leurs opinions et leurs croyances ; ils n’entendaient pas renier leur passé, livrer leurs traditions et leur loi religieuse. Ils ne conspiraient pas non plus, ni publiquement ni en secret ; ils ne préméditaient pas la ruine de la république : ils ne lui demandaient que d’être le gouvernement de tous, la liberté pour tous, la garantie régularisée de tous les droits, la paix entre toutes les forces sociales. Ils offraient leur concours ; mais ce concours n’était pas sans prévoyance, et, lorsque, dès les premiers mois, ils voyaient, avec les passions révolutionnaires déchaînées sous toutes les formes autour de l’Hôtel de Ville, poindre et renaître de nouveaux orages, ils gardaient ce sentiment qu’ils restaient, eux et leurs alliés, les conservateurs de