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qu’elle ne change rien dans son fond et ne touche qu’aux superficies, je ne me lasserais pas de dire qu’elle ne lui est pas inutile. »

Je suis tout à fait de son avis, et j’ajoute que l’éducation dure toute la vie ; je la définis : une culture de notre âme et de notre esprit par l’effet de soins et par celui des circonstances extérieures. La fréquentation des honnêtes gens ou des méchans est la bonne ou mauvaise éducation de toute la vie. L’esprit se redresse avec les esprits droits ; il en est de même de l’âme. On s’endurcit dans la société des gens durs et froids, et s’il était possible qu’un homme de vertu seulement ordinaire vécût avec des scélérats, il faudrait qu’il finît par leur ressembler, pour peu qu’il n’en soit pas éloigné dès le premier moment.

Essayé pendant toute cette journée de débrouiller mon article du Poussin. Je me persuade qu’il n’y a qu’un moyen d’en venir à bout, si toutefois j’y parviens : c’est de ne point penser à la peinture, jusqu’à ce qu’il soit fait. Ce diable de métier exige une contention plus grande que je ne suis habitué à en mettre à la peinture, et cependant j’écris avec une grande facilité ; je remplirais des pages entières sans presque faire de ratures. Je crois avoir consigné dans ce cahier même que j’y trouve plus de facilité que dans mon métier. La peine que j’éprouve vient de la nécessité de faire un travail dans une certaine étendue, dans lequel je suis obligé d’embrasser beaucoup de choses diverses ; je manque d’une méthode fixe pour coordonner les parties, les disposer dans leur ordre, et surtout, après toutes les notes que je prends à l’avance, pour me rappeler tout ce que j’ai résolu de faire figurer dans ma prose.

Il n’y a donc qu’une application assidue au même objet qui puisse m’aider dans ce travail. Je n’ose donc point penser à la peinture, de peur d’envoyer tout au diable. Je ne fais que rêver a un ouvrage dans le genre de celui du Spectateur : un article court de trois ou quatre pages et de moins encore, sur le premier sujet venu. Je me charge d’en extraire ainsi à volonté de mon esprit, comme d’une carrière inépuisable.

Promenade le soir assez insipide dans la plaine ; traversé la route qui va au pont ; été jusqu’au terrain de Delarche, et revenu par la ruelle avec Jenny, qui avait voulu aussi régaler Julie de la promenade pour son dimanche.


Lundi 9 mai.

J’ai été le lendemain, vers dix ou onze heures, me promener vers les coupes nouvelles qu’on a faites le long des murs des propriétés de Quantinet et de Minoret, etc. Matinée délicieuse.