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longue ; on parque sept moutons sur une terre où, douze ans auparavant, ont été enfouis des animaux charbonneux ; deux périssent, bien que la terre fût nue et que les moutons ne reçussent aucune nourriture sur le sol infesté. Les bactéries sous leur forme active ne vivent pas dans le sol, mais les germes, les spores brillantes que connaissent toutes les personnes qui ont suivi les cultures des microbes et qui sont la semence de ces redoutables organismes, ont, au contraire, une vitalité prolongée.

Au reste, les dangers que faisait courir aux troupeaux la persistance dans le sol de ces virus disparaissent peu à peu, depuis qu’ont été découverts les vaccins qui rendent les animaux inoculés insensibles à l’action des virus les plus violens.

C’est ce qui a été démontré avec une admirable netteté dans la célèbre expérience du 2 juin 1881, connue sous le nom d’expérience de Pouilly-le-Fort, organisée par MM. Pasteur, Chambreland et Roux pour démontrer l’efficacité du vaccin charbonneux. Cinquante moutons furent partagés en deux bandes, vingt-cinq moutons vaccinés résistèrent à l’inoculation d’un virus charbonneux qui fit périr en deux jours les vingt-cinq autres moutons non vaccinés. En détruisant par l’acide sulfurique les cadavres des animaux charbonneux, en procédant largement aux vaccinations préventives, on a vu déjà cette maladie qui décimait les troupeaux devenir plus rare et on peut prédire que, dans peu d’années, elle aura complètement disparu.

Bien d’autres maladies infectieuses paraissent être dues aux germes qui conservent leur vitalité dans le sol. Sans parler des fièvres intermittentes, du paludisme[1], peut-être de la fièvre jaune, le tétanos est également une maladie microbienne et atteint surtout les personnes dont les blessures sont en contact direct avec le sol, particulièrement lorsqu’il a été contaminé par les déjections solides des chevaux.

De très bons esprits ont été effrayés des irrigations aux eaux d’égout établies aux portes de Paris, dans la presqu’île de Gennevilliers, ils ont craint que le sol ne retînt les germes des maladies infectieuses et ne devînt une source constante d’insalubrité. Il ne semble pas que ces craintes soient fondées ; si, en effet, les germes pathogènes persistent souvent dans le sol pendant plusieurs années, surtout lorsqu’ils sont enfouis dans les profondeurs, ils s’atténuent quand, les terres étant cultivées, remuées par les instrumens, ces

  1. M. le docteur Laveran a résumé récemment ses remarquables recherches sur le paludisme, dans un des petits volumes des Aide-Mémoire, publiés sous la direction de M. Léauté, membre de l’Institut.