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Qu’on pèse attentivement les termes de cette étrange délibération dont une copie fut adressée, par courrier extraordinaire, à l’assemblée nationale : ce qui éclate à chaque mot, c’est l’affirmation de la suprématie du pouvoir législatif sur l’exécutif, c’est l’impatience de toute tutelle autre que celle de l’assemblée. Qui se douterait, à lire ce document, qu’il y a encore un roi, et que ce roi est investi de prérogatives, définies, il est vrai, — au lieu d’être illimitées comme autrefois, — mais encore fort étendues ; que ce roi a des ministres auxquels les corps municipaux doivent des égards, de l’obéissance ; que la souveraineté du monarque, contenue dans de justes bornes par l’avènement du nouveau pouvoir, la représentation nationale, n’est pourtant pas un vain mot, mais une réalité acceptée, reconnue légale par les représentans mêmes de la nation ? La constitution qui sera celle de 1791 n’est pas encore promulguée : et les idées d’émancipation ont marché d’un tel train, que cette constitution, qui n’est pas encore, retarde sur le mouvement général des esprits, sur l’irrésistible tendance à la proclamation pure et simple du principe de la souveraineté populaire. On affirme déjà par des actes, sinon par des paroles expresses, — qui, d’ailleurs, ne tarderont pas à se faire entendre, et avec quel retentissement ! — on affirme, cinq mois à peine après que la Bastille est prise, la prééminence de l’assemblée sur le roi. C’est là une première étape de la révolution. La seconde sera de supprimer cette inutile royauté. Resteront alors deux puissances : l’assemblée, la nation. La première, n’étant que l’émanation de l’autre, devra nécessairement lui être subordonnée. Cette troisième et dernière étape étant aussi rapidement franchie que les deux autres, la révolution aura achevé son cycle, elle sera parvenue en quelques bonds au point extrême de son période ; et, sur les ruines de la monarchie absolue, de la royauté constitutionnelle, du régime même des assemblées, la logique et le peuple triompheront. Toutes ces parties du drame s’enchaînent, en effet, comme les déductions d’un énorme syllogisme dont les prémisses ont été posées le 14 juillet 1789. L’une appelle et traîne l’autre à sa suite. Voilà pourquoi il est permis de dire sans outrance que, pour qui