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pas de puissance européenne qui ait moins de goût que l’empire austro-hongrois pour les complications internationales. Malheureusement il survient quelquefois des accidens qui déconcertent tous les calculs. Dans le toast que M. Stamboulof a porté au duc de Parme, il lui a promis que sa fille serait respectée et jalousement gardée par les Bulgares ; mais il n’a point ajouté que, s’il ne tenait qu’à lui, peu de temps se passerait avant que cette princesse devint reine. C’est pourtant là sa secrète pensée. Si le prince Ferdinand est un homme tenace, M. Stamboulof est de la famille des audacieux, et, jusqu’à ce jour, l’audace lui a réussi. Il faut se défier des ministres qui savent oser et des princes que rien ne rebute, et la péninsule du Balkan est une boîte à surprises dont personne n’a jamais vu le fond.

Les noces d’argent du roi et de la reine d’Italie ont été célébrées avec beaucoup de pompe et d’éclat. Mais à Rome aussi, on n’était pas au complet, et la joie eût été plus grande encore si la reine d’Angleterre avait quitté Florence pour assister à ces fêtes, et surtout si l’empereur François-Joseph avait pu se décider à profiter d’une si belle occasion pour rendre au roi Humbert la visite qu’il en avait reçue, il y a douze ans. On ne peut tout avoir, et les Romains seraient bien difficiles s’ils n’étaient pas contens. Les contrastes sont la loi de ce monde. Pendant que la Belgique était en proie à de sanglans désordres, la ville de Gand ouvrait son exposition horticole et étalait aux yeux émerveillés des Flamands et d’étrangers accourus de loin la magnificence de ses salons d’orchidées, de ses azalées gigantesques, belles, dit-on, à faire crier. Il y a quelques jours, on ne parlait à Rome que des travaux de la commission des sept, des documens saisis, des cinquante députés qui ont des effets en souffrance, des cabinets qui l’un après l’autre ont puisé largement dans les banques pour les élections politiques, et on déclarait qu’il fallait aller au fond de l’affaire, sans épargner personne. Aujourd’hui on ne parle plus que de fêtes, de défilés de souverains, de cortèges historiques, de festins et de danses. Le parlement avait mis à l’ordre du jour de sa séance du 28 avril la terrible discussion sur les banques. M. Giolitti lui a demandé de la remettre au 3 mai, et le parlement s’est soumis. Ce n’était pas un régal à offrir aux illustres hôtes du Quirinal que d’orageux débats où il n’eût été question que de vilaines choses, qui n’ont rien de commun avec la politique de gala.

On assure, et cela n’a rien d’invraisemblable, qu’en considération de la crise financière et économique que traverse l’Italie, le roi Humbert et la reine Marguerite auraient voulu célébrer modestement le vingt-cinquième anniversaire de leur heureux mariage. Mais comme les particuliers, les rois ne font pas toujours ce qu’ils veulent. Les fêtes du jubilé du saint-père avaient pris le caractère d’une grande manifesta-