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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/375

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d’université extérieure, où magistrats, professeurs, hommes du monde se coudoyaient, qui, en dépit du mot de Voltaire, n’a cessé de faire parler d’elle et a fourni la carrière la plus honorable ; alors, comme aujourd’hui, les lettrés du dehors recherchaient ses faveurs, et l’on compte parmi les candidats à ses concours Bernardin de Saint-Pierre, Mme Roland, Brissot, Parmentier ; — le prieuré des bénédictins de Saint-Vincent, émules des érudits de Saint-Germain des Prés, adonnés surtout à la reconstitution des archives de notre province ; — le Grand Séminaire, institué en 1670 par l’archevêque Antoine Ier de Grammont, assez richement doté en maisons, domaines, vignes et capitaux ; — l’école de chirurgie, établie en 1773, avec ses professeurs démonstrateurs royaux, des auxiliaires recrutés parmi les licenciés en médecine ; — enfin une école des beaux-arts, due à l’initiative du sculpteur comtois Luc Breton, et de Melchior Wyrsch, peintre d’origine suisse. « Tout de même qu’un corps qui aurait des yeux en toutes parties serait monstrueux, de même si on profanait les lettres à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » En Franche-Comté, au XVIIIe siècle, on offrait les lettres à toutes sortes d’esprits, et, si l’on compare le passé au présent, ce dernier, semble-t-il, dément assez péremptoirement la prophétie du cardinal de Richelieu.

Un siècle, et quel siècle ! s’est écoulé : la Franche-Comté reste fidèle à ses fortes traditions ; sociétés savantes, écoles de tout genre, collèges se sont reconstitués et multipliés ; au temps du Directoire, l’École Centrale était déjà une des plus prospères de la république. Deux Facultés des sciences et des lettres, octroyées en 1808, n’ont pas suffi aux Comtois ; de 1816 à 1830 ils n’ont cessé de réclamer une Faculté de droit, et, en 1891, on a vu plus de sept cents communes de l’ancienne province s’unir dans un vœu commun, dans une sorte de plébiscite visant la restauration, et de la Faculté de droit, et de la vieille Université. Elles invoquaient non-seulement des capitulations signées par Louis XIV, mais le droit pour la Franche Comté de satisfaire sur place à toutes les ambitions intellectuelles de ses enfans, de reconquérir cette autonomie d’ordre moral et supérieur qui, loin de nuire à l’unité nationale, peut la seconder et la fortifier.


VICTOR DE BLED.