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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/587

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d’autrui un profit quelconque, il ne s’arrête pas à d’aussi indignes suggestions, « le vrai Dieu lui ayant fait ce bien de le former en cecy à l’exemple d’un honnête père qui, en lui recommandant toujours l’honneur, lui a imprimé une horreur naturelle de ces vilainies dont, pour ce regard, il pense n’avoir jusques ores donné sujet à homme qui vive de se mécontenter de lui en sa charge. »

Si Huygens par l’élévation de son caractère était à l’abri de semblables indélicatesses, elles n’étaient point rares cependant autour des princes et il devait plus tard l’éprouver lui-même. De fait, il appréciait ce noble métier où graduellement son mérite reconnu avait fini par lui assurer une grande autorité. Il « s’en ressent aussi honoré qu’indigne ; voire que pour témoigner sans fin la perpétuelle gratitude qu’il en doibt à celui qui l’y a daigné commettre, il n’épargnera rien à acheminer les enfans mâles que Dieu lui donnera, aux apparences de pouvoir hériter un jour l’honneur du même emploi. »

Cet écrit où Huygens traçait, comme d’après lui-même, le type accompli du secrétaire, il l’avait soumis à Frédéric-Henri. Si, sous une forme détournée, ce dernier pouvait y découvrir quelques conseils dont il avait à faire son profit, il ne trouvait d’ailleurs dans un tel programme que la justification de la confiance qu’il avait mise en Constantin. En plaçant la discrétion et le renoncement à ses propres idées au premier rang des qualités requises pour sa charge et en s’effaçant complètement devant son maître, l’auteur était assuré de prôner un des mérites que les princes apprécient le mieux chez ceux qui les servent. Sagace et réfléchi comme il l’était, il aurait pu cependant plus qu’aucun autre céder à la tentation d’intervenir personnellement par ses conseils dans la direction des affaires qui passaient sous ses yeux. Un mémoire rédigé par lui relativement à la conduite à tenir vis-à-vis des remontrans nous prouve qu’il en avait eu un instant la velléité.

On sait qu’après une lutte héroïque contre l’Espagnol, les Hollandais, à peine en possession de leur indépendance religieuse, avaient failli la compromettre dans l’ardeur de leurs disputes confessionnelles. En présence de la multiplicité des sectes et de la violence de leurs démêlés, le synode de Dordrecht avait eu pour but d’établir une sorte de Credo officiel qui assurât autant que possible l’unité des croyances. Aux persécutions exercées contre les remontrans une période d’apaisement avait succédé pendant laquelle quelques-uns des opposans avaient repris pied peu à peu et travaillaient de nouveau à répandre leurs idées. Constantin, dans un écrit qu’il intitule Discours imparfait expose la situation dangereuse que peut créer l’indulgence à l’égard de ces factieux. Se mettant au-dessus de ses propres sentimens, il n’a en vue que la sécurité