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très simples en réalité. » Suivant leur nature et leur importance, il classe d’abord méthodiquement les affaires et cherche quelle est la meilleure marche à suivre pour leur prompte et bonne expédition. À son avis, un de ses premiers devoirs, c’est d’exprimer aussi fidèlement que possible la pensée de son maître, dans une langue simple et correcte. Il expose, à ce propos, ses idées sur la manière d’écrire, « la diversité des individus étant aussi infinie que celle de leurs genres. » Mais, comme « aux écoles mêmes, où les longueurs et le fard ont une si belle réputation, c’en est une capitale d’avoir une sorte de briève et claire simplicité, à plus forte raison est-ce la maxime qui doit prévaloir et prévault en la dépesche des affaires de l’Estat, où la brièveté est utile, la clarté nécessaire et la simplicité requise pour l’une et l’autre. Cela est trop notoire pour avoir besoin de preuve. » Les choses étant ainsi, il n’y a pas grand mérite à se conformer à des préceptes aussi élémentaires, et pour quiconque est pénétré de ces vérités, « l’entrée de ces carrières est aussi peu terrible que si à l’apprentissage de la danse on advisait un nouvel escolier que, moins il ferait de caprioles et meilleure grâce il aurait, leçon à la vérité bien aisée. » Parlant du caractère propre aux différentes langues, Huygens s’élève ensuite contre ceux qui « prétextent l’impuissance et pauvreté de la langue nationale. » À l’entendre, elle a « de quoy fournir abondamment à l’administration des républiques qui s’en servent ; mais il faut que l’exemple des princes y aide. » « Bien qu’il n’y ait pour tout compte en cette cour que deux langues en usage, la française et la nôtre, l’usage de la langue des Français ayant désormais pris le dessus dans la plupart des cours civilisées, comme la mode de leurs habits, il est cependant utile de n’ignorer ni l’entente, ni le caractère de celle des Allemands, leur langue étant la mère langue de plusieurs autres, notamment du hollandais. » Il fait d’ailleurs bon marché de cette connaissance des langues que pourtant il possède lui-même, comme aussi de la beauté de l’écriture, lui qui pourrait se piquer de calligraphie. Suivant lui, une des réelles difficultés de sa charge, c’est de comprendre vite et bien la pensée du prince et d’avoir « la promptitude nécessaire pour répondre au soudain commandement dont en chose pressée on peut être accablé. » Mais, tout en désirant qu’un peu de loisir soit accordé au rédacteur, il croit qu’au bout de quelque temps secrétaire et maître se connaissent si bien que « ce lui est, et à nous, un sujet de beaucoup d’avantage. » Pour ce qui le touche, nous pouvons assez l’en croire, lui qui est en ce genre un vrai modèle et qui, avec la concision requise, savait donner à l’expression de ses pensées autant de vivacité que de justesse. Quant aux tentations qui pourraient survenir de profiter d’une telle situation pour tirer