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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/608

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avait de satisfaire sa passion pour l’art musical. Parmi ses compatriotes dont il vante la virtuosité, nous trouvons tout d’abord la savante Anne-Maria de Schuurman qui, à tous ses autres mérites littéraires ou artistiques, joignait le charme d’une belle voix et une véritable habileté à jouer du luth, du clavecymbale et de la viole. Constantin avait lui-même formé une demoiselle Oglé, dont la famille d’origine anglaise était fixée en Hollande, et qui y devait épouser le chevalier W. Swann, lui aussi grand amateur de musique et fort épris de son talent. Huygens, qui l’appelle « sa très digne et très docte écolière, » l’accompagnait sur le théorbe et jugeait que ses compositions gagnaient singulièrement « en ses belles mains et en cette excellente gorge, capables de rendre belles les choses les plus médiocres. » C’est à cette Sirène, l’ornement du siècle, qu’il dédiait en 1647 sa Pathodia, avec des éloges hyperboliques qui étaient bien dans le goût de cette époque. Enfin notre mélomane était également attiré vers une famille d’israélites portugais, les Duarte, qui habitaient Anvers, mais venaient assez souvent à La Haye. Le père était lui-même bon musicien ; son fils aîné, qui possédait une importante collection de tableaux, jouait de l’orgue, et Francisca, la troisième de ses filles, était une chanteuse accomplie. Hooft, qui avait successivement épousé deux musiciennes, était très attentif à faire de Muiden un séjour attrayant pour ses hôtes et il y recevait les visites de Francisca, « son rossignol français, » qui vint plusieurs fois chez lui en compagnie de Maria Tesselschade. La maison des Duarte était fort agréable, et le père, en homme d’affaires avisé, s’ingéniait à rendre quelques menus services à Huygens, lui envoyant tantôt des pommades, tantôt des airs italiens, afin d’obtenir par son entremise des avantages plus solides, tels que la délivrance de sauf conduits pour ses marchandises ou le placement de pierres précieuses d’une grande valeur qu’il voulait faire acheter par le prince d’Orange.

Parmi les relations musicales de Constantin, nous trouvons également un des rares compositeurs que possédât alors la Hollande, un chanoine de Harlem, Jean-Albert Bann, qui s’occupait à la fois de la théorie et de l’histoire de la musique. Huygens l’avait mis en relations avec Descartes, puis avec le P. Mersenne, lui fournissant ainsi l’occasion de disserter sur son art favori. Mais l’inspiration n’était pas chez Bann au niveau du savoir, bien qu’il eût composé un assez grand nombre de pièces sur des poésies hollandaises de Hooft et de Tesselschade et sur des vers français ou latins. Il était, comme Huygens, partisan de cet accord intime du texte et de l’expression musicale, dont Gluck et après lui