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d’Italie des musiciens, « quatre hommes et huit castrats. » C’est Gobert qui prend également soin d’envoyer à Constantin un maître de chant pour ses enfans, un certain M. Avril, « jeune, de bonnes mœurs et garçon de cœur, ayant du génie pour composer des airs » (17 juillet 1646). Huygens reçoit aussi chez lui (février 1653) la sœur de l’organiste du roi, de La Barre, engagée comme chanteuse par la reine Christine « sur des appointemens nobles et très royaux » et il la recommande chaudement à son ami, M. Chanut, ambassadeur de France en Suède.

On conçoit les satisfactions de toute sorte qui attendaient Huygens quelques années après, pendant le séjour qu’il fit à Paris, lors de sa mission en France. Il y fréquentait le meilleur monde ; les comtes de Lionne et de Brienne, de Thou, le président Lamoignon, le duc de Montausier, l’abbé de Marolles, le graveur Nanteuil et le célèbre graveur en médailles Varin ; parmi les dames : Mme de Valavoir, Mme de Buzenval et Mme de La Fayette. C’est même à cette dernière, qui mettait quelque coquetterie à ne pas laisser paraître tout son savoir, qu’il adressait ce joli vers : Nil te aîunt nescire ; studes nil scîre videri. Les heures d’attente chez les ministres ou les longues courses en voiture, il les consacrait à son passe-temps favori, prétendant que « la secousse même du carrosse lui faisait sauter des épigrammes hors de la cervelle. » Mais il se plaisait surtout dans la société des amateurs de musique, entre autres du sieur de Beringhen, qu’il avait connu à la cour de Frédéric-Henri, et qui, après avoir joui de la faveur de la reine et de Mazarin, était devenu premier écuyer. En souvenir de l’accueil qu’il avait autrefois reçu en Hollande, Beringhen fit fête à Huygens, qui trouvait aussi, d’ailleurs, en son intendant, M. Tassin, un mélomane distingué. Chez M. de Lionne, chez le marquis de Grammont, chez Anna Bergerotti, une chanteuse italienne au service du roi et même chez Ninon de Lenclos, à laquelle il avait été présenté, dit-on, par Fontenelle, il eut aussi l’occasion d’entendre les artistes les plus distingués de ce temps, « comme le très illustre sieur de Chambonnières qu’homme du monde n’égale sur le clavecin, soit qu’on considère la composition ou le beau toucher. » Il pouvait également causer des théories qui lui étaient chères, car il connaissait les règles pour les avoir longtemps étudiées. Mais sur ce chapitre il ne se montrait pas intolérant ; là, comme en tout, il est plein de mesure, ennemi de toute exagération « religieux et non superstitieux. » Il aime les nouveautés, tout en pensant que « la variété dont les Français se tourmentent est un effet de cette maladie nouvellière dont nous voyons cette nation si agitée qu’il n’y a jamais mode qui tienne. » À l’occasion,