Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu près sur une jambe, comme les cigognes[1]. » Ailleurs, il nous apprend que « jadis on trouvait gracieux de tenir les yeux demi-clos et de tendre les lèvres comme pour un baiser ; les anciennes peintures en font foi[2]. » Signalons ce détail en passant : il explique un trait de physionomie assez fréquent chez les primitifs, aussi bien dans leurs bustes que dans leurs portraits ; le buste de femme du Louvre (École napolitaine du XVe siècle) en offre un exemple bien caractérisé.

L’art de saluer est un point capital, — car on était alors fort chatouilleux sur l’étiquette, — et les Civilités ne manquent pas de l’enseigner minutieusement. Voyons d’abord ce que dit Érasme : « Pour ce qui est de saluer, quelques-uns fléchissent en même temps les deux genoux, les uns en maintenant le corps droit, les autres en le courbant un peu. Ceux qui trouvent ce salut féminin se tiennent droits et ploient d’abord le genou droit, puis le genou gauche, façon de saluer très appréciée en Angleterre chez les jeunes gens. Les Français ploient seulement le genou droit en faisant avec grâce un demi-tour de corps. » Voici maintenant la version de Calviac : « Il y a plusieurs façons de faire la révérence, selon les pays où on se trouve et les coustumes d’iceux, mais les Françoys ployent seulement le genouil droit, se tenant autrement plustost droictz que inclinés, avec un doux contournement et mouvement du corps, et ostans. le bonet de la main droyte, le tenant ouvert parle dedans, l’abaissent au mesme côté droyt ; » ou bien encore : « Ayant fléchi le genouil et osté le bonet de la main droyte, on le tiendra bas en la gauche, et la main droyte au bas de l’estomac avec les gans ou autrement ; car de tenir le bonet ou chapeau et chose semblable sous l’aisselle, en saluant autruy, est chose rustique. »

Indépendamment du salut classique et cérémonieux, de la révérence proprement dite, il y a le salut de rencontre, dans la rue, en visite, etc. S’il s’agit d’un homme, on l’embrasse par accolade : « S’il est plus grand (d’un rang plus élevé) que soy, on l’embrassera (l’accolera) dessoubs les bras ; et d’autant plus grand il sera, d’autant plus bas on l’embrassera, jusques aux cuisses mesmes. S’il est son pareil ou moindre, on l’embrassera d’un bras dessus l’une espaule d’iceluy, et l’autre dessoubs l’autre aisselle. » — « Le temps passé, dit Henri Estienne, on eust trouvé estrange et de mauvaise grâce, de faire des révérences les uns aux autres, approchantes

  1. Voir certaines figures du Roi sage, de Burgkurair.
  2. De même Calviac recommande « d’avoir les lèvres estendues et comme prestes à baiser. »