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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/625

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peigne du devant au derrière de la teste, pour toujours renvoyer au derrière les humeurs qui descendent sur les yeux et le visage. »

Quant aux dents, Érasme veut « qu’on les tienne nettes avec grand soin ; les blanchir avec des poudres est efféminé ; les frotter de sel ou d’alun est nuisible aux gencives[1]. » Olivier de Serres en dit beaucoup plus long : « Dès le réveil, à la première ouverture de la bouche, avant que parler, les dents seront frottées avec un linge net, un peu rude, aussi tout l’intérieur de la bouche… En lavant les mains et à l’entrée de table, de mesme les dents seront lavées d’eau fraîche, non froide… À l’issue du repas, les dents seront lavées fort curieusement, avec de l’eau et un peu de vinaigre parmi, ou avec du vin pur. Puis on frottera les dents avec cette poudre (suit la recette de plusieurs poudres dentifrices). » Voilà, si je ne me trompe, de quoi satisfaire les plus difficiles.

Pour les ablutions générales, on avait recours aux baigneries. La plupart des maisons de quelque importance possédaient une chambre à bains ou baignerie, disposée dans le sous-sol, lambrissée de bois et dallée. Elle contenait des cuves-baignoires en bois, des baquets pour les enfans et des bancs recouverts de plomb et percés de trous. Des tentures de toile blanche garnissaient la chambre, coupée par des rideaux mobiles isolant à volonté chaque baignoire qui devenait ainsi une sorte de cabine[2]. À côté se trouvaient les étuves pour les sudations à la vapeur et les onctions. En outre, dans toutes les grandes villes, il y avait des étuves publiques avec bains et étuves chaudes, généralement garnies de rideaux séparatifs comme les baigneries privées.

Ces étuves étaient une tradition que le moyen âge tenait de l’antiquité, et qu’il avait léguée à la renaissance ; mais leur vogue ne dura qu’un temps. Proscrites par le clergé catholique et huguenot comme lieux de débauche, interdites par le médecin comme dangereuses en temps de peste, battues en brèche par la concurrence italienne qui substituait aux lavages à grande eau les pâtes, les onctions et les poudres parfumées, les étuves publiques disparurent

  1. Érasme ajoute une troisième recommandation que je reproduis en latin : Idem lotio facere, Iberorum est. Coutume espagnole signalée par Catulle (XXXIX, 17,19) :
    Nunc Celtiber in celtiberia terra,
    Quod quisque minxit, hoc solet sibi manè
    Dentem, atque rufam pumicare gingivam;
    par Strabon (Geogr., III), par Diodore de Sicile (VI, 22), par Apulée dans son Apologie : Spurcissimo ritu Hiberorum.
  2. Le Meuble en France au XVIe siècle, p. 245.