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peu à peu, abandonnées même de leur jeune clientèle que la guerre civile avait jetée dans les camps et sur les grands chemins.

Nous n’avons encore rien dit de la propreté des vêtemens : comme on le pense bien, les Civilités font, à ce sujet, toutes les recommandations nécessaires : « Il faut aussy que l’enfant s’estudie à entretenir ses accoustremens netz et sans aucune ordure, crottes, ou saleté (Calviac), — ne porte les habits sales, descousus, poudreux, ny pelés ; advise de les épousseter pour l’ordinaire une fois par jour (Bienséance de 1618). » Il n’est pas spécialement question du linge ; mais nous savons qu’on l’entretenait avec le plus grand soin. Le linge du corps, bien repassé et parfumé, se plaçait derrière la chaire, dans une armoire prise dans le mur et cachée par l’abatant mobile du dossier[1].


Chaire bien fermée et bien close,
Où le muscq odorant repose
Avec le linge delyé.
Tant souef fleurant, tant bien plyé[2].

Un contemporain parle même des élégans Parisiens, « tant bien godronnés, qui envoient exprès en Flandres faire blanchir leurs chemises. » Voici du reste un document qui vient à point pour nous renseigner sur la garde-robe d’un gentilhomme fin de siècle, fin du XVIe siècle, bien entendu : c’est le compte de sa blanchisseuse[3] :

— Prends premièrement ce linge blanc que la lavandière a apporté,

— Attendez que je regarde mon mémoire, pour voir s’il n’y manque rien : « Mémoire du linge de mon maistre que la lavandière a reçu le dixiesme de mars : Premièrement, quatre chemises garnies de leurs collets plissez ou fraises.

— Les voicy.

— Deux draps de lict, deux tayes d’oreillers, deux paires de calsons de toile, trois paires de chaussettes.

— Les voicy.

— Une douzaine de paires de chaussons (bas-de-chausse).

— N’en voicy que huict.

— Il en faut (manque) donc quatre ; j’en demanderay le compte à la lavandière et, si elle les a perdues, il faudra qu’elle les paye… item, deux coiffes et quatre couvre-chefz, une demi-douzaine de

  1. Le Meuble en France au XVIe siècle, la Chaire.
  2. G. Corrozes, Blasons domestiques, 1539.
  3. Dialogues fort plaisans, de César Oudin, 1611.