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faits et traitent la question de haut, sans s’abaisser jusqu’aux vulgaires prescriptions de la civilité. Le Castiglione dépeint le Parfait courtisan, l’homme de cour accompli, comme Platon sa République ; Xénophon son Roi et Cicéron son Orateur. Çà et là quelques traits de critique dans le genre de celui-ci qui dénote chez certains courtisans, voulant faire les « bons compagnons, » des coutumes au moins singulières : « Ils se poussent du haut en bas des degrez ; ils se frappent et donnent l’un à l’autre des coups de bâton sur les reins. Ils se jettent des pougnées de poussière dedans les yeux ; ils font rouler leurs chevaux sur eux, ès fossés, ou au pendant de quelque montagne. Après, quand ils sont à table, ils se jettent au visage les potages, les sausses et gelées, renversent tout et puis se prennent à rire, de manière que celui qui sçait faire le plus de telles choses semble le meilleur courtisan et le plus gaillard. » (Traduction de Gabriel Chappuys, 1580.)

La Civile Conservation, d’Estienne Guazzo, est encore un traité littéraire de 800 pages sur les bonnes et les mauvaises compagnies, où l’auteur par le à peine de la civilité et se borne à renvoyer le lecteur, désireux d’en connaître les principes, au livre intitulé le Galatée.

La première édition du Galatée parut à Milan en 1559. L’auteur, Jean della Casa, distingue, parmi les manières d’agir dans le monde, celles qui peuvent choquer les sens ; ensuite, celles qui s’opposent à la volonté ; enfin, celles qui manquent de proportion et ne s’accommodent pas avec la personne, le temps ou le lieu. Tout cela paraît bien subtil et d’une ordonnance assez confuse. En passant, le moraliste signale les fautes principales contre la tenue ; en somme, sa dissertation, fort élégante, pourrait mieux s’appeler : l’Art de plaire dans la conversation, titre sous lequel elle a été traduite en français au XVIIIe siècle.

Sabba da Gastiglione a moins de prétention et plus de bonhomie. Les Ricordi[1], recueil de leçons sur la conduite d’un gentilhomme dans le monde, parurent en 1546. Sabba ne se pique pas de littérature ; son style est diffus, plein de redites, ses phrases interminables et sa langue le pur lombard. Mais il parle naïvement et tempère la sévérité de ses conseils par une foule d’anecdotes qu’il raconte avec une saveur particulière. En voici une[2] qui touche de trop près à notre sujet pour ne pas lui donner une place : — « Il y a quelques années, quand la malheureuse Italie renfermait des cours plus nombreuses, plus magnifiques et plus honorées

  1. Voir la Gazette des Beaux-Arts (juillet 1884).
  2. Ricordo, p. 82.