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sert lui présente ledit bassin au-dessous du menton, et lui remet après son verre dans le bassin. »

Le repas terminé, « les mets étant desservis, l’on recueille les restes pour la netteté dans un grand plat ou quelque jolye corbeille. L’on lève la nappe avec les reliefs de pain, si jà ils n’ont esté ostés. Cependant l’on porte les cure-dents dans un beau plat. Finalement, sur un linge de belle et fine toile estendue sur la table, se met le plat-bassin et se donne l’eau à laver, premièrement aux plus mettables de tous ; s’il n’y en a qu’un de singulière prééminence, avec une serviette particulière, et puis aux autres avec la leur, approchant d’eux le bassin en telle façon qu’ils y arrivent deux ou trois par ensemble. » (Bienséance de 1618.)

Ainsi on « lave les mains » avant et après le repas, coutume générale qui explique la quantité d’aiguières et de bassins qui sont parvenus jusqu’à nous, les uns en matières précieuses, en cristal de roche, en or, en argent ou en émail, les autres en cuivre, en étain ou en faïence. Les plats de François Briot, les grands plats creux hispano-moresques ou italiens, avec ou sans ombilics, sont des bassins à laver les mains, de même que les plats dits « à reptiles » imaginés par Bernard Palissy ; quand on les remplissait d’eau, les poissons, les coquillages, les plantes et les animaux aquatiques, que l’artiste avait eu l’ingénieuse idée d’y représenter d’après nature, semblaient s’animer et vivre dans leur élément. Chez le paysan même, laver les mains avant de manger était obligatoire ; seulement, au lieu de bassins, « tous alloient laver leurs mains au puits, à la pierre duquel aiguisoient leurs couteaux. » (Noël du Fail, Du temps présent et passé.)

À l’aiguière et au bassin mobiles, le XVIIe siècle substitue la fontaine fixée au mur, dont il nous reste de fort beaux modèles en cuivre et en faïence. Sous la restauration, la fontaine disparaît à son tour, remplacée par l’odieux rince-bouche, — une des innovations les plus fâcheuses du XIXe siècle, — que la renaissance proscrit hautement comme indigne d’un homme bien élevé : Certè palam os colluere, elegantiœ alienum videtur. (Bienséance, 1618.)


V,

Les Italiens n’ont rien qui ressemble aux petits traités d’Érasme et de Calviac ; ils s’en tiennent au vieux formulaire, rédigé par Jean Sulpice de Veroli à la fin du XVe siècle et contenant quelques préceptes rudimentaires sur les Contenances de table. Quant à leurs moralistes, ce sont des lettrés, qui n’écrivent que pour les hommes