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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/635

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de seize heures… Des habits, il n’en a cure ; des odeurs, il n’en parle pas ; pour l’eau, il ne connaît que celle du puits ; pour l’huile, que celle de sa lampe… S’il rentre chez lui, avant d’aller chez ma- dame et les enfans, il passe à la cuisine et nous jouons ensemble à la mourre des saucisses et du cervelas frais ; ou bien, nous chan- tons quelque gentil refrain de cabaret ; ou bien encore nous jouons aux cartes… Bref, c’est un bon compère, franc, sans cérémonie et sans gêne, qui, à table et par gentillesse… » Mais je m’arrête : il serait impossible d’aller plus loin sans parler latin.


VI.

Comme les Italiens, les Espagnols n’ont pas à proprement parler de Civilités ; mais, au lieu de philosopher sur la matière, ils affectionnent la forme du dialogue qui convient mieux à la tournure de leur esprit. Les Colloques de Louis Vivès, Colloquia, sive linguæ latinæ exercitatio (Nuremberg, 1532), sont le modèle du genre. Vivès (1492-1540), qui passa une grande partie de sa vie à Bruges où il mourut, était intimement lié avec Érasme. Comme lui, il composa de nombreux livres de pédagogie et, comme lui, il eut la pensée d’enseigner aux enfans le savoir-vivre ; seulement il trouve moyen de le faire en insérant dans ses Colloques, composés pour exercer les enfans à la langue latine, la plupart des principes élémentaires de la bonne tenue.

Malgré la grande renommée de leur auteur, et bien que ces dialogues aient eu de nombreuses éditions, — la dernière traduction espagnole est de 1788, — ils sont fort peu connus. Ils fourmillent cependant d’indications précieuses sur la vie privée, qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Vives entre dans les moindres détails, et sa précision minutieuse n’enlève rien à l’agrément de ses dialogues. Je regrette de ne pouvoir reproduire ici ces causeries familières, tableaux pris sur le vif et dont le sujet se passe tantôt à Valence, patrie de Vives, tantôt à Paris, où il étudia dans sa jeunesse, tantôt à Bruges ou à Louvain.

Chez les Allemands, Pierre Schade (Mosellanus), Hegendorf, Cammermeister, Ulrich de Hutten, Pontanus et les autres ont enseigné le beau latin et les belles manières ; quelques-uns de leurs ouvrages sont même imprimés à Paris et à Lyon, mais aucun ne vaut le Grobianus, aucun n’a eu sa popularité.

Grobianus et Grobiana est un poème latin en trois livres, vingt-sept chapitres et cinq mille vers. On se découragerait à moins ;