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le Sommeil, de M. Raphaël Collin, puisqu’aussi bien ce peintre délicat et chaste n’a jamais modelé si tendrement un beau buste. Parmi les jeunes artistes qui font preuve d’un goût distingué dans ces études du nu qui seront toujours, pour tous les peintres du monde, l’exercice primordial et indispensable, MM. Calbet, Henri Royer, Bréalité, tous trois iort en progrès depuis leurs récens débuts, semblent tenir le meilleur rang. Leur peinture, encore incertaine et grisâtre, gagnerait sans doute à s’enhardir et à s’affirmer, mais ils ont tous les trois un juste sentiment de l’harmonie et ils recherchent, sous la brume à la mode, la justesse et la solidité des formes, avec une conscience et une loyauté qui les amèneront forcément quelque jour à une exécution plus ferme et plus résolue. Le grand panneau décoratif de M. Calbet pour le casino de Royan, la Musique, où sont assemblées en plein air plusieurs nymphes jouant d’instrumens divers, joint même, à l’agrément pittoresque et plastique, cette aisance enjouée dans le groupement et l’allure, qui était autrefois la marque de l’école française, mais qui, dans ces derniers temps de réalisme maussade ou de songerie enfantine, est devenue assez rare. La Nymphe de M. Henri Royer n’est, en réalité, qu’un modèle assez vulgaire et de proportions assez lourdes, mais le rendu en est si juste, si soigné, si délicat et mené d’un pinceau si souple et si attentif que cette simple étude devient un des morceaux les plus distingués du Salon. À côté de la Nymphe, une étude de paysan assis, le Vieux, montre la même justesse d’observation et la même sensibilité de vision ; mais dans ce sujet réel, de grandes dimensions, l’insuffisance de cette facture diaphane et pâle, qu’il faut laisser aux rêveurs et aux impuissans, devient tout à fait choquante. Nous ne pensons pas non plus que M. Bréalité se soit dégagé suffisamment encore de ces vapeurs confuses dans lesquelles s’est longtemps exercée sa science très réelle et particulière du clair-obscur ; néanmoins, à la différence de tel et tel qui s’y noient, lui s’efforce au moins d’en sortir. Son étude de femme nue, accroupie devant son foyer, le Matin, se différencie déjà singulièrement, par la précision ferme des modelés sous l’enveloppe lumineuse, de certaines études similaires par M. Besnard ou M. Carrière qu’elle peut rappeler. Dans cet ordre de recherches, nous pouvons signaler encore le Bain de Leïlah par M. Hippolyte Lucas, Après le bain par M. Gardenty, l’Ève de M. Kowalsky, etc.

Dans le portrait, nous avons un plus grand nombre d’œuvres excellentes ou intéressantes. C’est là encore, c’est là surtout qu’éclate la supériorité des artistes qui, sachant dessiner, savent asseoir une tête sur ses épaules, attacher des bras à un torse, analyser le caractère d’une attitude et l’expression d’un visage, placer