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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/677

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Dieu merci ! Nos paysagistes sont bien vivans, et l’influenza pestilentielle, caractérisée par l’horreur de l’exactitude, de la simplicité, de la force, de l’éclat, qui atteignit quelques-uns d’entre eux, circonscrit heureusement ses ravages. Par une sorte de réaction naturelle, et que nous avons déjà signalée, contre les fantaisies déliquescentes dans lesquelles la main joue un plus grand rôle que la réflexion, c’est avec une faveur marquée que le public accueille aujourd’hui certains maîtres qui, dans la période réaliste, lui avaient paru froids ou pédans, mais dont, mieux instruit par l’expérience, il apprécie aujourd’hui le bon sens, la force et l’habileté : M. Français, qui, toujours vert sous ses cheveux blancs, donne encore, dans ses études larges et calmes, des leçons de clarté et de style à ceux qui le savent comprendre ; M. Harpignies, dont les beaux paysages, solides et austères, le Matin et le Soir, impriment plus que jamais, dans l’âme, avec leurs silhouettes décidées et leur sobre lumière, des impressions graves et durables ; MM. Bellel même, Paul Flandrin, de Curzon, qu’on trouvait trop classiques autrefois, mais dont on comprend aujourd’hui la poésie, puis tous ceux qui, autour d’eux et après eux, ont recherché à la fois, dans le paysage, .l’expression et la vérité ; M. Busson, avec une nouvelle étude d’automne, une Matinée, très émue et très colorée ; M. Lansyer, avec ses fines représentations d’architecture dans la IwcmhYQ, Santa Maria della Salute et le Golfe de Menton ; MM. Émile Michel, Guillon, Rozier et bien d’autres sont examinés d’un œil moins rapide et moins dédaigneux. Tous ces artistes exercent une action visible sur une partie de leurs jeunes successeurs qui, sous l’influence d’un retour d’aspirations poétiques, combiné avec des habitudes d’observation, sont en train, nous l’avons déjà remarqué, de reconstituer un genre de peinture, naguère conspué, mais qui répond sans doute à un besoin permanent de l’esprit puisqu’on le retrouve à presque toutes les époques de la peinture, le Paysage historique.

N’est-il pas naturel, après tout, pour un artiste, de déterminer plus nettement l’impression que lui a fait éprouver tel ou tel paysage, en y plaçant un ou plusieurs personnages, dont l’attitude corresponde à cette impression ? Que ce personnage soit réel, comme un berger de Troyon, imaginaire comme une dryade de Corot, historique comme un philosophe de Poussin, peu importe, à vrai dire. L’essentiel est que la figure augmente et fortifie, par sa présence, la sensation simple ou compliquée, pastorale ou tragique, qu’a éprouvée le peintre, à telle heure, en tel lieu et qu’il veut nous communiquer. Je chevauche donc volontiers avec le Don Quichotte de M. Demont, dans la plaine déserte, au bout de laquelle se lève la poussière d’une armée de moutons, bien que