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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/679

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Leroy a rendu avec une rare sensibilité. Le nimbe qui entoure la tête de la Vierge pourrait disparaître ; il devrait même disparaître, car il n’y a rien de particulièrement évangélique et chrétien, ni dans la figure, ni dans le paysage, qui sont tous deux très réels et très modernes, mais d’un sentiment délicat dans leur réalité. M. Paul Leroy fait partie de ce groupe d’artistes, MM. Girardot, Dinet, Point, etc., que l’amour du soleil a poussés vers l’Algérie et l’Orient et qui en ont rapporté une affection décidée pour les effets de lumière subtils violens ou extraordinaires. M. Paul Leroy est un de ceux qui apportent, dans ces recherches, le plus de goût et de sentiment. Nous trouverons ses camarades au Champ de Mars.

Cette intervention du paysage, dans les scènes de toute espèce, scènes de genre historique, scènes de mœurs rustiques ou mondaines, est si bien passée à l’état d’habitude, elle a si complètement modifié, en quelques années, notre façon de comprendre la lumière, la couleur, la peinture, que le public semble étonné lorsqu’il ne trouve pas, dans les compositions qui l’intéressent ou qui l’amusent, ce coin de verdure ou de fleur, cette fraîcheur ou cette vivacité de lumière, libre ou emprisonnée, que la jeune école lui offre presque toujours. C’est, sans doute, une des raisons qui, parmi les tableaux militaires, ont fait, dès le premier jour, remarquer et applaudir les Défenseurs de Saragosse, par M. Maurice Orange. Ce n’est pas seulement parce que la scène est présentée d’une façon pittoresque, et que l’artiste a fait preuve d’une certaine émotion dans sa manière de caractériser les Espagnols vaincus, défilant tristement, dans une longue rue, devant une haie de troupiers français, que les visiteurs se sont arrêtés ; la vivacité avec laquelle le soleil fait éclater toutes les guenilles glorieuses de ces pauvres gens dans la poussière d’un jour d’été a été pour beaucoup dans le succès. Rien de plus légitime en soi, et M. Maurice Orange n’a qu’à donner un peu plus de corps à ses figures pour être un peintre militaire très distingué. Qu’il ne dédaigne pas toutefois lui, non plus que ses confrères, les enseignemens qu’a laissés Meissonier ! Plus les figures sont nombreuses dans une composition, plus elles doivent y reprendre leur valeur par l’accentuation du caractère, la précision du geste, la vérité particulière de la physionomie. Que si les figures se rapetissent, on a le droit d’être plus exigeant encore ; c’est là surtout que l’expérience du bon dessinateur, vit et preste, devient nécessaire. Sous ce rapport, nous avons un excellent morceau, plein de mouvement et d’émotion, exécuté avec un entrain communicatif de dessinateur et de peintre, dans les Grenadiers de la garde à Essling, par M. Cormon ; l’effarement de la déroute chez les soldats de Lannes, qui viennent se jeter dans