les rangs de la garde, blessés et mutilés, le sang-froid des grenadiers qui saisissent aux collets les fuyards et les repoussent derrière eux, sont vivement rendus. On remarque plus de sécheresse dans la façon dont M. Morot nous représente la Retraite de Saint-Jean-d’Acre avec Bonaparte en tête, suivi de Desaix, Lannes, Monge et de tout l’état-major, marchant à pied dans les sables de Syrie. Les figurines sont ressemblantes, d’une allure juste, mais sans tout l’accent qu’on y voudrait. Nous avons quelque peine à nous imaginer un soleil d’Orient si peu réchauffant, et des troupiers si propres, si indifférens, si réguliers dans ce désert poudreux. Les autres tableaux militaires, tels que le Kléber' à l’assaut de Saint-Jean-d’Acre, par M. Sergent, Ils n’iront pas le chercher là, par M. Boutigny, la Veille de la bataille de Craonne, par M. Roussel, ne sont que des anecdotes plus ou moins prestement rendues. M. Grolleron, cependant, a fait un effort plus intéressant dans son groupe de grandeur naturelle, les Frères d’armes étude dessinée avec soin, et le Retour de permission, par M. Neymark, est un bon morceau.
Le soleil d’Italie chez M. Alma-Tadema, et le soleil de Gaule, chez M. Rochegrosse, sont aussi des soleils tempérés. La belle clarté n’est point cependant incompatible avec l’archéologie ; M. Alma-Tadema nous l’a prouvé lui-même bien des fois, lorsqu’il asseyait ses élégantes Pompéiennes sur des bancs de marbre, devant la mer bleue. Il est vrai que la distraction à laquelle se livre, au dessert, l’empereur Héliogabale, celle d’enfouir une partie de ses convives sous une pluie de roses, est la distraction d’un triste sire, impliquant un état d’âme plus que maussade. Le misérable accomplit cette lugubre plaisanterie sans aucune joie, et le peintre ne semble pas en avoir éprouvé davantage à la peindre. Il va sans dire qu’on rencontre toujours, sous le pinceau de M. Alma-Tadema, ces fines têtes anglo-romaines dont la distinction archaïque est justement célèbre ; mais ce dilettante ingénieux a été souvent mieux inspiré. Le Pillage d’une ville gallo-romaine par les Huns de M. Rochegrosse intéresse, comme toutes les œuvres de ce jeune maître, autant par la singularité et par l’exactitude des costumes et des types que par l’habileté ingénieuse de la mise en scène. M. Rochegrosse s’est sincèrement amusé à étudier et à accentuer toutes sortes de contrastes entre ces délicats Gallo-Romains, représentans efféminés d’une civilisation vieillie et impuissante, et ces horribles cavaliers asiatiques, aux faces camardes, missionnaires de la sauvagerie ; il nous fait partager son amusement de bon lettré, sans nous effrayer outre mesure. On trouve dans cette toile des figures intéressantes et de jolis morceaux de peinture.
La lumière ne manque pas dans les deux tableaux de M. Jean-Paul Laurens, le Saint Jean Chrysostome, accusant publiquement