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l’impératrice Eudoxie, et la Petite de Bonchamp devant le tribunal révolutionnaire. Le premier sujet a été traité, il y a quelques années, d’une façon remarquable, par M. Wencker, qui avait réuni, au pied de la tribune où se tient l’impératrice et de la chaire dans laquelle vocifère le courageux évêque, une assistance assez nombreuse. M. Laurens a supprimé les spectateurs ; il dresse, simplement, dans l’espace vide, au premier plan, le vieux Chrysostome, debout, furieux, menaçant l’impératrice qu’on aperçoit, au fond, impassible, couverte de joyaux. C’est à probablement parler une étude de figure d’expression, plutôt qu’une composition, mais dans cette étude on retrouve la fermeté habituelle du peintre en même temps que son grand sens de l’histoire. La Petite de Bonchamp, fillette blonde, en robe rose, agenouillée, toute en lumière, sur une chaise de paille, entonne naïvement, pour remercier le tribunal révolutionnaire qui va gracier sa mère, la plus belle chanson qu’elle sache, une chanson royaliste ; c’est une des plus jolies figures qu’ait jamais peintes M. Laurens. Les attitudes étonnées et les types rébarbatifs des membres du tribunal révolutionnaire sont étudiés avec cette recherche impartiale et intelligente du type qui donne toujours du prix aux personnages de M. Laurens.

MM. Tito Lessi et Flameng ont donné aussi de la vivacité et de l’intelligence à leurs figurines, soigneusement exécutées, dans leurs toiles anecdotiques, la Visite de Milton chez Galilée à Arcetri, près Florence, et C’est lui ! Campagne de France, 1814. M. Lessi est d’une extrême habileté dans son métier ; il campe, habille, anime ses petits personnages avec une dextérité remarquable ; il fait mieux : il leur donne de l’expression et, au besoin, de la noblesse ; s’il n’y a rien de bien nouveau dans cette manière de peindre, après Meissonier et Fortuny, on constate au moins que la succession est bien recueillie. M. Flameng, moins minutieux et moins lustré, mais plus vif et plus gai, représente à nouveau, avec esprit. Napoléon s’endormant, un soir de campagne, après un maigre repas, dans une ferme champenoise, et un groupe de paysans admirant le héros harassé sous l’auréole d’une chandelle fumeuse. Ces deux tableaux, comme ceux de MM. Rochegrosse et Laurens, fourniront à la gravure des thèmes faciles et amusans.

M. Tito Lessi est un Italien. M. Sorolla-Bastida, l’auteur d’une scène de sacristie, très vivante et très bien peinte, le Baiser, est un Espagnol. Parmi les étrangers, les Belges se distinguent toujours par leur ferme attachement aux traditions de leur race, par leur goût résistant pour un réalisme expressif et pour une facture solide et décidée. Quelques-uns s’en tiennent, sans doute, de trop près, à l’imitation des anciens procédés ; tel est M. Leempoels, de Bruxelles, qui, sous des prétextes philosophiques assez peu compréhensibles,