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M. Fouché avait toujours été dans une liaison fort intime avec lui et se faisait fort de le gouverner. M. de Talleyrand le tenait pour plus facile encore à renverser qu’à élever, et était dans tous les cas parfaitement sûr que sa présence ne le gênerait pas longtemps. Quant à Mme Murat, sœur de l’empereur, elle avait une ambition si démesurée qu’on pouvait lui faire tout accepter. Elle l’a suffisamment prouvé depuis. On n’hésita pas à faire savoir au nouveau roi de Naples qu’il devait se tenir prêt à venir au premier signal, chercher en France les hautes destinées qui l’attendaient. La lettre ou le messager furent interceptés en Italie par le prince Eugène, bien averti sans doute par M. de La Valette de se tenir sur ses gardes et de tout surveiller avec un soin scrupuleux. Le prince ne perdit pas un instant pour faire passer en Espagne les détails de sa découverte, et elle contribua certainement à précipiter le retour de l’empereur. On ne put, en effet, s’empêcher de remarquer que la rapidité avec laquelle il franchissait ordinairement les espaces avait été plus grande encore que de coutume, et cela malgré les difficultés de la route, Il avait été obligé de faire à cheval plusieurs étapes.

Dans les premiers instans de son arrivée, personne ne douta qu’il n’eût été rappelé par la situation des affaires avec l’Autriche. Sa colère au sujet des intrigues de M. de Talleyrand et de M. Fouché n’éclata que cinq ou six jours après. Il avait voulu apparemment vérifier les faits par lui-même ; encore eut-il soin de dissimuler avec le second de ces personnages, de le laisser de côté et de ne s’attaquer qu’au premier. Le ministère de la police est toujours difficile à changer de main, parce qu’il laisse nécessairement beaucoup de fils à la disposition de celui qui l’a occupé longtemps. Napoléon jugea donc qu’il ne devait remplacer M. Fouché que quand toutes les précautions nécessaires seraient assez bien prises pour que son ressentiment ne fût plus à craindre. Il prévoyait d’ailleurs une prochaine campagne en Allemagne, et ne voulait désorganiser, au moment de s’y engager, aucune partie de son administration intérieure. Il pensait sans doute qu’une fois sorti de ce nouveau péril, rien ne le gênerait plus pour faire autour de lui tous les actes de justice dont l’utilité lui serait démontrée.

Quant à M. de Talleyrand, qui se trouvait sans fonctions spéciales et n’avait ainsi aucune part active à l’administration ni au gouvernement, il n’hésita pas à faire tomber sur lui tout le poids de sa colère. Le premier avertissement fut donné par le Moniteur du 30 ; il annonçait que la place de grand chambellan passait à M. de Montesquieu, et était, par conséquent, retirée à M. de Talleyrand qui l’occupait depuis l’organisation de la cour impériale. Bien que ce changement fût motivé sur ce que, depuis sa promotion à