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aux personnes dont je tiens mes renseignemens, j’ai donc toute la peine du monde à me persuader qu’il n’y eut pas d’instructions très secrètes qui n’ont point encore vu le jour et que le temps ne peut guère manquer de révéler. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est que, non-seulement ni Radet ni Miollis n’ont éprouvé aucune disgrâce, mais que Miollis a conservé jusqu’à la fin son commandement ; le seul désaveu qui ait eu lieu de leur conduite ne se peut induire que du retour assez prompt de Pie VII en Italie. On ne tarda pas à lui faire passer les Alpes, et la ville de Savone lui fut assignée pour résidence. On sait comment il y a été tenu, malgré quelques honneurs rendus à sa personne et à sa dignité, dans une véritable captivité qui a duré jusqu’au jour où il fut encore une fois transféré en France.

Le retentissement dans toute l’Europe d’un acte de violence aussi imprévu fut, heureusement pour Napoléon, atténué par la victoire de Wagram. Cette fois encore l’habileté du général, la vigueur de ses lieutenans, la précision des mouvemens et la brillante valeur française triomphèrent de tous les obstacles. Après deux journées des plus sanglantes entre celles dont l’histoire conservera le souvenir, l’archiduc Charles, mal secondé par son frère l’archiduc Jean, arrivant de Hongrie à la tête d’une division considérable et qui n’approcha du champ de bataille que quand tout était décidé, fut rejeté sur les frontières de la Bohême. Il avait fait cependant sa retraite en bon ordre et présentait encore un front si formidable que le vainqueur se crut heureux, le 12 juillet, de conclure avec lui un armistice. Il fut convenu que les négociations pour la paix devaient s’ouvrir immédiatement. Elle ne fut conclue que le 18 octobre et, pour l’obtenir, l’Autriche fut contrainte d’abandonner Trieste et tout ce qu’elle possédait sur le littoral de la mer Adriatique. Il lui fallut encore céder à la Bavière un territoire fort important, agrandir le grand-duché de Varsovie aux dépens de la Galicie, et accéder au système continental.

La Russie elle-même, pour prix de son insignifiante coopération, ne rougit pas d’accepter quatre cent mille sujets de plus qui furent pris sur les provinces polonaises appartenant à l’Autriche. Il était dans la politique bien entendue de Napoléon de la compromettre de plus en plus avec le reste de l’Europe. Toutefois et malgré cette habile combinaison, le but poursuivi ne fut pas atteint, car l’empereur Alexandre ne tarda pas à se montrer plus inquiet de la tendance indiquée vers le rétablissement du royaume de Pologne, que satisfait par un agrandissement du grand-duché de Varsovie. On verra, plus tard, à quel point ce germe de mécontentement se développa et influa sur les résolutions du cabinet de Saint-Pétersbourg.