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conseiller d’État ? — Les nominations, reprit M. Cambacérès, sont annoncées dans le Journal des Débats que voici. » Grande colère alors contre M. Maret, ministre secrétaire d’État, qui avait eu ordre de ne pas les publier de quelques jours ; et, en effet, il n’en était pas question dans le Moniteur mais M. Maret n’avait pas su les taire à M. Laborie, qui les avait fait insérer dans son Journal des Débats. « Qu’on aille chercher la minute du décret, » dit aussitôt Napoléon, et, lorsqu’elle lui fut apportée, il la déchira et la jeta au feu.

Le soir de ce jour il y avait cercle à la cour, je m’y rendis. À la fin de la soirée, me trouvant avec M. Portalis rangé contre l’embrasure d’une porte, quand l’empereur vint à passer, il s’arrêta devant nous et affecta de me regarder avec un air moqueur que nous ne sûmes comment expliquer. Rentré chez moi, je reçus, au milieu de la nuit, le décret qui me nommait conseiller d’État, et le lendemain matin je sus que M. Malouet avait obtenu le même avancement. Cette association fort honorable me fit grand plaisir. Il n’a plus été question de M. Meunier pour la place de maître des requêtes, ni de M. de Lameth pour celle de conseiller d’État, et leur promotion s’est trouvée complètement mise de côté ; ils étaient encore l’un auditeur, l’autre maître des requêtes, quand l’empire a pris fin.


Depuis la rupture des liens qui l’attachaient à Joséphine, l’empereur n’avait pas manqué de jeter les yeux sur tous les États de l’Europe dans lesquels il lui semblait possible de chercher une nouvelle épouse. La Saxe et la Russie étaient les seules où il pût se flatter que sa démarche trouverait un accueil favorable ; mais la Saxe, malgré l’antiquité de sa maison souveraine, ne lui offrait pas tous les avantages qu’il cherchait ; elle était trop dans sa dépendance. Son acquiescement n’aurait pas paru suffisamment libre.

La Russie fut donc aussitôt le point sur lequel se dirigèrent ses démarches, et M. de Caulaincourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, reçut les instructions nécessaires pour demander la main de la grande-duchesse Anne, sœur d’Alexandre. Cette négociation semblait d’autant plus facile à conduire que, suivant toutes les apparences, il en avait déjà été touché quelque chose à Erfurt. Ajoutez que M. de Caulaincourt se trouvait dans la meilleure position pour la faire réussir ; il était établi en Russie sur le plus grand, sur le meilleur pied, et avait à cet égard merveilleusement bien répondu aux intentions de son maître. L’empereur Alexandre avait pris pour lui un goût très marqué. Il fut donc écouté avec une faveur