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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/785

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été, plus que dans celle-là, embarrassés de leur contenance. Il fallait approuver la résolution du maître. La maison de la future impératrice ne serait sans doute pas la même que celle de l’impératrice répudiée, ce serait l’occasion de faveurs enviées. Mais Joséphine conservait encore une grande situation. S’éloigner d’elle était un procédé peu honorable, et l’empereur, qui conservait pour elle une affection non douteuse, ne serait-il pas blessé d’un trop grand empressement à l’abandonner ?

Je n’oublierai jamais la dernière soirée dans laquelle l’impératrice délaissée fit encore les honneurs de sa cour. C’était la veille du jour où devait se prononcer la dissolution de son mariage. Il y avait un grand cercle, un souper était, suivant l’usage, servi dans la galerie de Diane, sur un grand nombre de petites tables. Joséphine était assise à celle du milieu, et les hommes circulaient autour d’elle, recherchant cette inclination de tête toute gracieuse qu’elle avait l’habitude de faire aux personnes qu’elle connaissait. Je restai quelques minutes à peu de distance d’elle, et je ne pus m’empêcher d’être frappé de la parfaite convenance de son maintien en présence de tout ce monde qui l’entourait encore d’hommages et qui ne pouvait ignorer que c’était pour la dernière fois ; que, dans une heure, elle descendrait du trône et quitterait le palais pour n’y jamais rentrer. Il n’appartient qu’aux femmes de surmonter les difficultés d’une pareille situation, mais je doute qu’on eût pu en trouver une seconde capable de s’en tirer avec une grâce et une mesure aussi parfaites ; la contenance de Napoléon fut moins bonne que celle de sa victime.


Je fus enfin nommé conseiller d’État le 8 février. J’ai dit le peu de faveurs dont j’avais joui jusqu’alors. J’espérais cependant avoir bientôt l’avancement que je croyais mériter. Mon désappointement fut donc excessif, lorsque je lus, le 6 février, dans le Journal des Débats que M. Mounier, auditeur et secrétaire du cabinet de l’empereur, était nommé maître des requêtes, que M. Alexandre de Lameth, préfet de Turin, était nommé conseiller d’État. Dans la vivacité de mon dépit, je courus chez l’archichancelier, décidé à donner ma démission. Il me calma et me dit qu’il en parlerait à l’empereur. Il se rendit aux Tuileries, ne fit comme de raison aucune objection contre les nominations qu’il venait d’apprendre, mais exprima sa sincère affliction de ne pas voir paraître en même temps celle de M. Pasquier, dont les droits n’étaient pas moindres que ceux de M. de Lameth. Il ajouta que cette omission serait pénible pour tout le conseil.

« Et qui vous a dit, répondit Napoléon, que j’ai fait un nouveau