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trouva définitivement engagée. À cette soirée dans laquelle Joséphine tenait sa cour pour la dernière fois, le premier secrétaire de la légation autrichienne, M. de Floret, se trouvait à côté du sénateur Sémonville, qu’il avait quelques années auparavant beaucoup connu en Hollande et dont l’intimité avec M. Maret était notoire.

« Voilà donc qui est fini pour celle-là, lui dit M. de Floret ; mais quelle est celle qui va venir ? On assure qu’il est arrivé aujourd’hui un courrier de M. de Caulaincourt, et qu’il apporte les réponses les plus favorables ; si cela est, les conséquences peuvent en être bien graves. Comment ne pas trembler, en voyant tant de puissance et de force se réunir dans une seule main ! — Rien de plus vrai, répondit M. de Sémonville ; mais, après tout, il joue bien son jeu, fait ce qu’il doit faire, s’adresse à qui le doit écouter, et d’ailleurs de quoi vous plaignez-vous, vous qui n’en auriez pas voulu ? — Et qui vous dit cela ? répondit aussitôt M. de Floret, c’est tout le contraire. — Vous parlez sans doute comme M. de Floret, et non comme le secrétaire de la légation autrichienne ; c’est votre opinion personnelle et non les intentions de votre cour que vous exprimez à un ancien ami et avec une confiance dont vous êtes sûr qu’il n’abusera pas. — Ne craignez pas d’en abuser, je sais ce que je dis, et suis parfaitement sûr de ne pas me trop avancer ; je connais le dessein de l’empereur, mon maître ; il serait, ainsi que tout ce qui l’entoure, très satisfait que sa fille, l’archiduchesse Marie-Louise, devînt votre impératrice.

Cette conversation fut littéralement rendue avant minuit à M. Maret. L’empereur en fut informé le lendemain matin, et M. Maret eut ordre de chercher un intermédiaire convenable dont les mouvemens ne dussent pas trop éveiller l’attention, et qui fût en état de parler à peu près officiellement, mais sans trop se livrer, avec l’ambassadeur d’Autriche, prince de Schwarzenberg, sur l’ouverture que M. de Floret avait jugé à propos de faire.

M. Maret choisit M. Alexandre de Laborde ; il avait durant son émigration servi avec distinction dans l’armée autrichienne, il fréquentait l’ambassade d’Autriche et était en relation habituelle avec toutes les personnes qui la composaient. L’empressement avec lequel furent accueillies les premières paroles qu’il prononça, pour faire comprendre la mission dont il était chargé, ne laissa aucun doute sur la facilité avec laquelle l’affaire pouvait se conclure, dans le cas où Napoléon voudrait y donner franchement les mains. Il ne lui restait qu’à prendre définitivement son parti. Il y avait là matière à de sérieuses délibérations. Au premier moment les avantages entre les deux combinaisons se balancèrent dans son esprit ; cependant, il paraît que son hésitation ne fut pas longue.