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l’en croire, son premier mouvement fut de défendre sa capitale jusqu’à la dernière extrémité. Mais, quand il vit qu’il ne lui restait aucune espérance d’être secondé dans sa téméraire détermination, il s’arrêta à la résolution d’abdiquer et de mettre son fils à sa place. Puis il partit dans la nuit du 1er juillet, prit la route des États d’Autriche et se rendit aux bains de Tœplitz en Bohème ; sa conduite, en cette occasion, fut, on ne saurait le méconnaître, pleine de générosité et de désintéressement. Il avait vendu, avant de partir, une petite terre qu’il possédait près d’Utrecht et n’emporta, outre 10,000 francs en or, que quelques diamans qui étaient sa propriété personnelle. Il laissait, pour subvenir aux premiers besoins de la régence, le revenu intact du mois de juin. La reine, sa femme, était alors en France, aux bains de Plombières ; elle ne l’a jamais rejoint.

Le parti de Napoléon fut bientôt pris. Il envoya un aide de camp chercher en Hollande le jeune prince, son neveu, le fit grand-duc de Berg, et lui retira définitivement le royaume de Hollande qu’il réunit par décret à l’empire français. On n’a pas assez remarqué l’allocution qu’il fit à l’enfant, lorsque celui-ci lui fut présenté à Saint-Cloud, et que le Moniteur ne manqua pas de publier : « N’oubliez jamais, dans quelque position que vous placent ma politique et l’intérêt de mon empire, que vos premiers devoirs sont envers moi, vos seconds, envers la France. Tous vos autres devoirs, même ceux envers les peuples que je pourrais vous confier, ne viennent qu’après. » Ces paroles, adressées au fils, contenaient l’explication et le commentaire de la conduite qui avait été tenue avec le père ; elles renfermaient aussi la plus complète justification de ce dernier. Louis, de Tœplitz où il était encore, protesta contre l’acte qui dépouillait son fils, remit lui-même, un peu plus tard, cette protestation entre les mains de l’empereur d’Autriche, la fit tenir à l’empereur de Russie, et l’adressa enfin au sénat de France.

Malgré la vigueur et l’hostilité d’un tel acte, toutes les démarches possibles furent tentées auprès de lui pour l’engager à rentrer sur le territoire français et à y fixer son séjour. L’ambassadeur de France à Vienne, M. Otto, eut ordre de pousser ces instances jusqu’à la menace, et lui signifia par écrit, au nom de l’empereur, que, comme prince français et grand dignitaire de l’empire, il eût à y rentrer au plus tard pour le 1er décembre suivant, sous peine d’être considéré comme désobéissant aux constitutions de l’empire et traité comme tel. M. Decazes lui fut envoyé deux fois pour obtenir de lui, par des voies plus douces, cette condescendance tant désirée par son frère ; tout fut inutile ; il brava les menaces et résista à toutes les sollicitations. Il était cependant réduit au plus